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L’administration Frankenstein

« L’enfer, c’est les normes. » Cette paraphrase de Jean-Paul Sartre, pour lequel « l’enfer, c’est les autres », décrit assez bien la situation des EHPAD. En effet, notre dossier (voir page 16) montre à quel point les établissements accueillant des personnes en perte d’autonomie, handicapées ou âgées dépendantes, sont enserrés dans un carcan administratif et normatif qui devient, selon l’aveu des acteurs, infernal.

Cette inflation normative part d’une idée positive – il est bien connu que l’enfer est pavé de bonnes intentions –, mais aboutit à une contradiction. L’idée positive est qu’il faut assurer la sécurité, sous toutes ses formes, et la qualité de vie aux résidents, et que les responsables d’établissements doivent se raccrocher à des référentiels, ce qui a aussi l’avantage de dégager leur responsabilité en cas de dysfonctionnement ou d’accident.

La contradiction est que l’on demande tout et son contraire aux responsables de terrain. Ils doivent prendre des initiatives, être des manageurs, faire preuve de créativité et en même temps respecter des règles de plus en plus strictes qui sont autant d’entraves à l’innovation.

Si le résident d’un EHPAD disparaît ou a un accident, c’est la bronca, aussi bien de la part des autorités de tutelle que de celle des médias, qui se mettent en chasse d’un responsable ayant une tête de coupable.

Faut-il mettre des barreaux aux fenêtres des chambres et équiper les résidents de bracelets électroniques pour assurer leur sécurité, alors que, même en perte d’autonomie, ils restent des citoyens libres ?

C’est le principe de précaution – inscrit dans la Constitution depuis 2002 – qui prévoit qu’il ne faut engager des actions publiques qu’après en avoir évalué les risques potentiels.

La question est donc de savoir où l’on place le curseur entre la sécurité et le risque. Philosophiquement, le risque fait partie de la vie, la vie étant en elle-même un risque puisqu’on finit toujours par en mourir.

Ce débat est récurrent en démocratie. On l’a vu en 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo et plus encore contre le Bataclan, avec le déclenchement de l’état d’urgence et le vote de plusieurs lois renforçant les pouvoirs de la police et de la justice administrative. Ces dispositions ont provoqué des débats sur les restrictions des libertés qu’elles impliquaient, certains estimant que le curseur sécuritaire était poussé trop loin par rapport aux libertés.

La liberté est évidemment consubstantielle à la démocratie. Mais peut-elle vraiment s’exercer et se vivre sans sécurité ? L’opinion a globalement accepté ces lois, mais la question du curseur n’est pas pour autant résolue.

Curieusement, dans le domaine social et médico-social, ce débat sur le bon équilibre entre la responsabilité des acteurs de terrain et les normes encadrant leur activité n’est pas posé. La machine administrative poursuit inexorablement sa production normative, malgré les politiques qui promettent régulièrement de la débrancher.

Mais l’administration est une sorte de Frankenstein, une créature qui échappe à son créateur…

Éditorial

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