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Mai 68 – mai 2018, à front renversé

La France a une passion commémorative pour les grands moments de son histoire, comme en témoigne le fait que, cette année, on va célébrer en grande pompe le 100e anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 qui a mis fin à la Première Guerre mondiale.

50 ans n’est plus un âge canonique mais il est suffisant pour permettre d’entrer dans l’Histoire. Ce qu’il est convenu d’appeler les « événements de Mai 68 » fait ainsi entrer ceux-ci dans le Panthéon commémoratif, au moins sur le plan médiatique.

Tout le monde y va de son retour sur images et de ses souvenirs de cette France en noir et blanc.

Aux ASH, nous avons décidé aussi de nous pencher sur ce mois agité, sans céder aux sirènes de la nostalgie. Notre idée est plutôt de prendre la mesure du temps qui a passé et d’analyser les évolutions de la France sociale. Au fil de cinq numéros, nous scruterons l’évolution de la situation de nos aînés et de tous ceux nécessitant une prise en charge sociale.

Dans la société de Mai 68 – celle des « Trente Glorieuses », du plein emploi et du jeunisme – les personnes âgées sont « des petits vieux », avec une espérance de vie limitée, Alzheimer n’est pas diagnostiquée et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont encore des hospices.

Dans cette société-là, les handicapés ne sont pas encore des personnes en situation de handicap et le mot inclusion n’est pas dans le dictionnaire.

Dans cette société-là, les sans domicile fixe n’existent pas, il n’y a que quelques clochards qui font partie du décor et qui ont – du moins veut-on le croire – choisi cette vie marginale.

Dans cette société-là, les prisons sont déjà vétustes et surpeuplées mais cela ne dérange personne.

Dans cette société-là, la famille est seulement nucléaire, avec papa, maman et les enfants. La monoparentalité, la famille plurielle et l’homo­parentalité ne sont pas encore des réalités.

Comment ces évolutions – qui, mises bout à bout, constituent une véritable révolution sociale et sociétale – se sont-elles, au fil du temps, produites, sur fond de crise économique, de chômage de masse, de boom technologique, de mondialisation et de financiarisation de l’économie ?

Mai 2018 est une sorte de front renversé de Mai 68. Cette année-là, du fait de l’étonnante prospérité économique, il n’y avait aucune raison que se produise un tel charivari et pourtant celui-ci a eu lieu.

Cette année, entre les 3 millions de chômeurs, la précarisation du travail, la remise en cause de certains statuts sociaux, l’université au bord de l’explosion, les EHPAD à bout de souffle, toutes les conditions sont réunies pour une explosion sociale. Et pourtant, elle ne se produit pas.

Il y a sans doute beaucoup de raisons à ce paradoxe mais la principale est certainement la perte du sens du collectif, de la notion de « communauté de destins » et le triomphe de l’individualisme. Les cheminots, accrochés à leur statut, ne sont pas solidaires des étudiants – inquiets de l’orientation-sélection à l’entrée de l’université – qui, eux-mêmes, n’imaginent pas soutenir les pilotes d’Air France, qui ignorent la situation des EHPAD. Personne n’établit de liens entre ces mouvements et ne leur donne un sens politique.

Cela explique pourquoi la société ne présente pas la facture de ses fractures.

Éditorial

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