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Le chaînon manquant

L’autre soir, à la télévision, Emmanuel Macron a fait un pas en avant significatif en direction de la création d’une branche de la sécurité sociale dédiée à la dépendance, le fameux « 5e risque », véritable serpent de mer qui, depuis quinze ans, montre régulièrement sa tête avant de replonger. En reconnaissant le choc démographique qui nous attend – 5 millions de personnes de plus de 85 ans en 2040 et 2,3 millions en situation de dépendance à l’horizon 2050-2060 –, le Président a donné tous les arguments justifiant l’instauration de cette nouvelle branche.

Bien sûr, ce n’est pas aussi simple. Les obstacles sont nombreux, à commencer par celui du financement. Le risque « dépendance » devrait-il être financé par l’impôt, selon la logique « Beveridge », le modèle britannique qui fait de l’Etat l’organisateur de la protection sociale, ou par des cotisations, selon le modèle allemand « Bismarck », qui donne aux partenaires sociaux la responsabilité de la gestion de la protection sociale ? C’est un choix stratégique.

Quel pourrait-être celui du chef de l’Etat ? Si l’on analyse ses réformes et ses projets annoncés depuis son arrivée à l’Elysée, on constate qu’Emmanuel Macron est un curieux mélange de « bismarckien » et de « beveridgien » dans des proportions qui restent à déterminer, et c’est l’énigme à déchiffrer chez un Président qui est plus Sphinx qu’il n’en a l’air.

Il est bismarckien avec son projet de réforme des retraites, au sens où le système reposera toujours sur un financement social, via des cotisations, mais dans le cadre d’un régime unique où il n’y aura plus de distinction entre secteur public et secteur privé et plus de régimes spéciaux, de type SNCF.

Il est beveridgien avec l’assurance maladie, où la si controversée augmentation de la CSG a pour objectif de poursuivre le basculement d’un financement social vers un financement fiscal, une évolution logique dès lors que la protection maladie est devenue une solidarité universelle et n’est plus une assurance.

Il est encore beveridgien avec la réforme de la formation professionnelle, qui transfère à l’Etat la responsabilité organisationnelle et les ressources au détriment des partenaires sociaux, comme s’il considérait que ceux-ci ne sont pas capables d’organiser la mutation des compétences professionnelles face aux révolutions digitale et de l’intelligence artificielle.

Mises bout à bout, ces réformes constituent une véritable transformation de la protection sociale. On peut ne pas être d’accord avec ces orientations, mais on ne peut pas nier leur caractère audacieux.

La création du risque « dépendance » serait la suite logique de cette audace réformatrice.

Dans ces conditions, on a envie de dire à Emmanuel Macron : « Encore un effort, Monsieur le Président. Il ne faudrait pas que ce 5e élément de la protection sociale reste le chaînon manquant de votre transformation du modèle social français. »

Éditorial

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