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Les enjeux de la qualification

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Le gisement potentiel d'emplois que constitue le secteur des services de proximité mobilise nombre d'acteurs du champ économique et social. Mais la qualité des services proposés passe par la qualification des salariés.

Garde d'enfants, aide aux personnes âgées, agent d'ambiance dans les transports, médiateur du livre ou agent d'environnement en milieu urbain, le développement des emplois de service revêt des aspects de plus en plus diversifiés. Les pouvoirs publics, les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés ainsi que nombre d'associations fondent de grands espoirs dans ce gisement d'emplois potentiels. Un secteur qui n'intéresse plus seulement l'économie sociale puisque le CNPF a créé, en 1995, le Syndicat des entreprises de services à la personne (SESP) afin de développer ces emplois « dans une logique d'activité économique véritable et créatrice de richesses ». Une étude, réalisée au cours du premier semestre 1996 par Démoscopie, à la demande du SESP, estime ainsi entre 80 000 et 160 000 le nombre d'emplois de service aux personnes susceptibles d'être créés (150 à 300 millions d'heures de prestation), soit un marché potentiel de 15 à 30 milliards de francs.

Pour autant, la demande émanant des collectivités territoriales, des entreprises et plus encore des particuliers reste faible. A cela plusieurs explications : l'importance du travail au noir dans le secteur des services de proximité, la faible solvabilité de la demande et l'absence de professionnalisation de l'offre. Or, « de la qualification et de la compétence des intervenants de ce secteur dépend la qualité des services rendus et donc leur développement quantitatif », estimait Nathalie Aïdan, du Centre des jeunes dirigeants de l'économie sociale (CJDES) (1) d'Ile-de-France, lors d'un colloque le 3 octobre dernier à Paris. Même tonalité du côté du CNPF : « C'est en tirant la qualité des services à la personne par le haut que l'on ouvrira des marchés, et certainement pas par le recours aux petits boulots. »

La mobilisation sur ce thème s'est d'ailleurs accrue au cours des dernières années, donnant le jour à de multiples actions de formation destinées aux futurs professionnels du secteur des emplois de service. Souvent à l'origine de ces initiatives : des associations du champ de l'économie sociale, des organismes de formation ou des réseaux de partenaires.

Janua (2) regroupe ainsi 14 professionnels de l'aide à domicile en Ile-de-France autour d'un projet global d'évaluation, de formation et d'accès à l'emploi pour des salariés en poste et des demandeurs d'emploi. Engagés sur la base d'une charte commune, les membres de cette association concourent ainsi à la réalisation de deux objectifs majeurs : faciliter l'accès à des emplois durables et créer une démarche de professionnalisation. Celle-ci passe par une évaluation préalable des compétences des individus permettant de bâtir un parcours individuel de formation constitué de modules théoriques et d'un stage pratique auprès d'aides à domicile en fonction.

Cette démarche partenariale s'étend en outre à l'ANPE, en amont, pour le recrutement des stagiaires et, en aval, à des municipalités susceptibles d'offrir des postes aux personnes qualifiées. Enfin, pour permettre à ces dernières d'être polyvalentes, la formation porte à la fois sur l'aide à l'enfance et l'aide aux personnes âgées.

« Il est en effet important de concevoir des filières professionnelles qualifiantes qui prévoient des passerelles entre secteurs », estime Maryse Huet, chargée de mission à la délégation à la formation professionnelle (DFP), qui met toutefois en garde : « La professionnalisation ne doit pas aller à l'encontre de la capacité d'insertion de ces secteurs. » Les formations diplômantes ont en effet tendance à écarter de la qualification ceux dont les connaissances scolaires sont insuffisantes, alors que « les métiers de service sont à même de valoriser des compétences non scolaires qu'il faut apprendre à reconnaître et à valider ».

Et parce que la qualification ne s'acquiert pas seulement par la formation, Maryse Huet prône la « mise en place d'organisations du travail qualifiantes et formalisées », le « développement de structures d'intermédiation entre offre et demande », et l'amélioration des conditions d'emploi dans un secteur encore peu gratifiant sur le plan des rémunérations et du volume de travail souvent insuffisant. Pour contribuer à la structuration et à la professionnalisation de la filière des services d'aide à domicile, la DFP entend d'ailleurs initier la réalisation d'un contrat d'études prospectif et d'un engagement de développement de la formation professionnelle.

Un créneau :l'environnement

Les initiatives se multiplient également dans le secteur de l'environnement, encore sous-qualifié, où les personnels employés par les collectivités -souvent en contrat emploi-solidarité (CES)  -bénéficient encore trop rarement d'une formation. Tous secteurs confondus, en 1995, seuls 7,6 % des CES et contrats emploi consolidés  (CEC) prévoyaient une formation complémentaire (3).

Aussi l'Institut d'écologie en milieu urbain  (IDEMU) a-t-il créé la formation d'agent d'environnement en milieu urbain, afin d'apporter aux bénéficiaires de CES une qualification complémentaire (niveau V) dans le secteur de l'environnement. Cette formation de 1 200 heures dans le cadre de contrats de qualification ou d'apprentissage aborde les différents aspects de l'environnement (eau, traitement des déchets, etc.). Objectif de ce parcours généraliste : donner accès à des métiers aussi divers que celui d'agent d'entretien d'espaces verts et des rivières, d'agent de la propreté urbaine, ou plus nouveau d'ambassadeur du tri (chargé d'expliquer le bien-fondé de la collecte sélective auprès des ménages), ou de garde d'environnement (chargé de l'information et de l'accueil dans les parcs et squares). Traditionnellement plus tournée vers les métiers de l'industrie et du BTP, l'AFPA (4) s'intéresse également depuis quelques années au secteur des emplois de proximité. Des formations ont ainsi été initiées dans cinq filières :la prévention de l'insécurité dans les transports et les quartiers, le gardiennage, la propreté, le développement local et les services à la personne. Fin 1995, 14 demandeurs d'emploi ont ainsi bénéficié d'une formation d'assistante de vie, financée par le conseil régional de Champagne-Ardenne. Une formation de 17 semaines en alternance, durant laquelle les stagiaires ont bénéficié d'un tutorat individualisé et d'un réseau de partenaires pour favoriser leur accès à l'emploi.

Egalement soucieuses de l'accès à l'emploi des demandeurs d'emploi et du développement de ce secteur d'activité potentielle, villes et régions sont de plus en plus nombreuses à se mobiliser.

En Ile-de-France, la professionnalisation des emplois de service est également à l'ordre du jour. Dans le cadre de formations de longue durée et de programmes préqualifiants pour les jeunes, la région finance ainsi des actions dans ce secteur (640 places de formation en 1995 et 800 en 1996). Une aide au tutorat et à la formation est également prise en charge par le conseil régional. La région entend par ailleurs lancer des contrats d'objectif dans le secteur sanitaire et social pour déterminer ses évolutions et ses besoins en termes de formation initiale et continue.

Cette mobilisation générale, accélérée par le développement des chèques emploi service en 1994, par l'annonce de la création prochaine des contrats d'initiative locale et la perspective de l'allocation dépendance, ne lève cependant pas tous les obstacles sur la route des emplois de service. Le recours massif aux contrats « aidés » relativement précaires, faute de moyens suffisants, et le recrutement de personnes en grande difficulté sont quelque peu contradictoires avec la volonté de professionnalisation et de pérennisation de ce secteur.

Reste en outre la question de la solvabilisation de la demande. L'enquête réalisée par Démoscopie pour le CNPF fait en effet apparaître que si 6 millions de ménages pourraient contribuer au financement des services, le prix qu'ils sont prêts à payer est inférieur au prix réel du service. Or, toutes les pistes suggérées (défiscalisation, abondement par l'employeur ou le CE, chèque multiservices...) reposent sur une hypothèse fragile : l'éclosion d'une demande encore latente, la naissance d'un secteur économique à part entière.

Virginie Besson

DÉVELOPPER LES EMPLOIS DE SERVICE : LILLE PREND LE PARI

Depuis février 1995, la ville de Lille est engagée dans un vaste programme de création d'emplois de service. L'objectif est double : inscrire chaque personne embauchée - 500 d'ici à la fin 1999 - dans un parcours global de professionnalisation et améliorer la qualité de vie des Lillois en développant une palette de services. Une double nécessité aussi, dans une agglomération qui compte 20 % de chômeurs (contre 15 % au niveau régional et 12 % au plan national) et où des besoins de services sont par ailleurs recensés dans la gestion de l'environnement et des espaces collectifs, et dans les services à la personne.

 63 150 heures de formationEn amont de la création d'emplois, une phase de bilan et une préqualification, dans le cadre de CES d'une durée de 6 mois, ont été mises en œuvre. A l'issue de ces contrats, les personnes embauchées bénéficient toutes d'une formation qualifiante (contrats d'apprentissage, de qualification ou CEC) susceptible de déboucher sur un emploi pérenne. Sur 300 personnes recrutées depuis 1995,188 sont aujourd'hui en phase de qualification. 63 150 heures de formation ont été engagées visant l'obtention de diplômes aussi souvent que possible, afin de favoriser l'employabilité des stagiaires à l'issue de leur formation. L'un des atouts du dispositif mis en place à Lille repose sur le large partenariat mobilisé (ANPE, région, associations, entreprises...) et sur son étroite articulation avec le plan local d'insertion par l'économique (PLIE). La mission locale, outil d'accompagnement du PLIE lillois, assure en effet également le suivi des contrats dans le cadre du programme de développement des emplois de service.

 Faire évoluer l'offre de formationLes emplois de service sont portés par 49 structures associatives et deux services de la ville de Lille (service des sports et bibliothèque municipale). La municipalité prend en charge les coûts salariaux et les coûts liés à la formation. Au total, le budget alloué à cette opération s'élève à 20 millions de francs par an, financé pour moitié par la ville et pour moitié par la région, l'Etat et la Caisse des dépôts. Persuadé que l'environnement est favorable, que la demande existe et qu'elle est solvabilisable, notamment dans le domaine de l'aide aux personnes âgées, Hervé Barré, directeur du développement économique, de l'emploi et de l'insertion de la ville de Lille, reconnaît que le frein majeur au développement des emplois de service reste d'ordre financier. Il regrette par exemple qu'il n'existe pas « un dispositif souple d'activation des dépenses passives liées à l'indemnisation du chômage au profit de la professionnalisation de ce secteur ». Autre frein : le caractère souvent trop « traditionnel » et « peu flexible » de l'offre de formation. « Il y a un problème de compatibilité entre ces nouveaux métiers et les modes de validation utilisés », explique Hervé Barré. Au-delà des savoirs techniques, les emplois de service requièrent en effet souvent des savoir-être, des qualités relationnelles qui nécessitent de nouvelles approches pédagogiques et de nouveaux modes de validation.

Notes

(1)  Contact CJDES Ile-de-France : Tél. 01 42 93 55 65.

(2)  Janua : 4, rue Alfred-de-Musset - 92240 Malakoff - Tél. 01 46 55 61 08.

(3)  Selon une étude de la direction de l'animation de la recherche des études et des statistiques du ministère du Travail - Etude 96-07-30-1.

(4)  AFPA - Contact : Tél. 01 48 70 50 00.

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