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Deux syndicats s'alarment des projets de réforme de l'ordonnance de 45

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Le gouvernement va-t-il engager une réforme de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante (1), prélude au raidissement de la justice des mineurs que certains appellent de leurs vœux ? C'est en tout cas ce que craignent le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée-Protection judiciaire de la jeunesse-FSU (SNPES-PJJ-FSU)   (2) et le Syndicat de la magistrature (3). Lesquels, alarmés par certains projets actuellement en cours d'arbitrage interministériel, notamment dans le cadre de la préparation du PNIU  (voir ci-après), ont rendu public, le 30 octobre, plusieurs documents relatifs aux travaux menés cet automne au sein du gouvernement.

En effet, fin août, dans la foulée de ses déclarations sur la délinquance des mineurs (4), le ministre de l'Intérieur faisait parvenir à Alain Juppé un document comportant une série de propositions, dont certaines imposant de réformer l'ordonnance de 45. Objectif : « faciliter l'intervention d'une réponse rapide et précise à l'acte de délinquance ». A cet effet, Jean-Louis Debré proposait de « permettre la comparution immédiate des mineurs », de « développer le recours à la convocation en justice », de « faciliter le placement éloigné pour écarter en particulier les éléments les plus durs de leur contexte local » et de « créer des centres de placement contrôlés s'ajoutant aux centres ouverts actuels ».

En outre, jugeant essentiel d'envisager « une stratégie d'ensemble », il présentait diverses mesures concernant, notamment, l'ouverture du service national aux jeunes délinquants, l'institution d'un délit « d'outrage en réunion », le « développement des emplois de proximité en matière de sécurité » et l'organisation dans les collèges « d'activités surveillées » destinées aux très jeunes délinquants.

Autant de propositions qui étaient apparemment reçues de façon très contrastée au sein des différents ministères concernés (5). C'est du moins ce qui transparaît à la lecture du compte-rendu de la réunion interministérielle du 22 septembre. Ainsi, à propos de l'instauration d'une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, si le ministère de la Justice se déclarait alors en accord avec l'objectif énoncé par Jean-Louis Debré (raccourcir le délai s'écoulant entre le délit et le prononcé d'une sanction), il estimait cependant que cette mesure se révèlerait contraire à la philosophie de l'ordonnance de 45. Laquelle, rappelait-il, veut qu'aucune sanction ne soit prise à l'encontre d'un mineur « sans une observation préalable de sa psychologie et de ses possibilités d'amendement ».

Et il présentait une contre-proposition portant sur le « renvoi rapide » des jeunes délinquants devant le tribunal pour enfants. De son côté, insistant sur la nécessité de prendre le temps de « rechercher une réponse adaptée aux différents cas », le secrétariat d'Etat à l'action humanitaire d'urgence se montrait résolument hostile à cette proposition.

Autre sujet d'affrontement entre l'Intérieur et la Justice : la création des centres de placement contrôlés, évoqués récemment dans les ASH par Françoise de Veyrinas (6). Lors de la même réunion, la Chancellerie s'opposait en effet à cette mesure qui aboutirait, selon elle, à rétablir les maisons de correction. En outre, poursuivait-elle, « si les juges des enfants n'adhèrent pas à la création de ces établissements, ils n'y enverront personne ». En revanche, le ministère de l'Intégration appuyait le projet de création de ces centres, estimant qu'il « manque une catégorie d'établissements à mi-chemin entre les centres de détention et les centres ouverts ». Quant au secrétariat d'Etat aux quartiers en difficulté, il accordait sa préférence à une simple modification du règlement intérieur des établissements existants « pour accroître les mesures de contraintes ». Ce qui, précisait-il, « aboutirait au même résultat sans exiger de débat législatif ».

« En réalité, quel que soit l'arbitrage qui sera finalement rendu, on risque d'ouvrir la boîte de Pandore et permettre, en fin de compte, une remise en cause des fondements mêmes de l'ordonnance de 45 », s'alarme Anne Leclerc, secrétaire général du SNPES-PJJ. Laquelle, concernant les propositions de Jean-Louis Debré, dénonce les risques d'atteinte au principe d'un travail éducatif individualisé à long terme et l'absence de toute concertation avec les organisations syndicales. « En matière de délinquance des mineurs, les textes existent. Il faut simplement que l'on nous donne les moyens de les mettre en œuvre », ajoute, pour sa part, Jean-Claude Bouvier, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, indiquant cependant ne pas être opposé à certaines améliorations. A condition de « préserver l'esprit de l'ordonnance de 45 ».

Toujours est-il que la mise en œuvre de ces projets demeure hypothétique dans la mesure où l'on ignore encore lesquels seront retenus par le gouvernement. D'autant que celui-ci devra également compter avec le poids des contraintes budgétaires, notamment à propos de la création des centres de placement contrôlés, l'administration du budget rappellant qu'il n'est pas question de dépasser l'enveloppe budgétaire définie dans le programme pluriannuel pour la Justice. Cependant la préparation de l'avant-projet de PNIU, qui doit être présenté le 6 novembre, impose des délais de décision assez courts. Une réunion d'arbitrage devait d'ailleurs réunir le 2 novembre les ministres concernés.

Notes

(1)  Voir ASH n° 1915 du 23-02-95.

(2)  SNPES-PJJ-FSU : 54,  rue de l'Arbre-sec - 75001 Paris - Tél. (1) 42.60.11.49.

(3)  Syndicat de la magistrature : BP 155 - 75523  Paris cedex 11 - Tél.  (1)  48.05.47.88.

(4)  Voir ASH n° 1930 du 9-06-95.

(5)  Notamment le Premier ministre, les ministères de la Justice, de l'Education nationale, de l'Intérieur, de l'Intégration, de l'Outre-mer et de la Jeunesse et des Sports, les secrétariats d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, au budget, à l'enseignement scolaire et aux quartiers en difficulté.

(6)  Voir ASH n° 1945 du 20-10-95.

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