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ACCOMPAGNER À DES MOMENTS CLÉS

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A. Préparer le retour en famille des enfants placés

La Haute autorité de santé (HAS) a publié, le 12 juillet 2021, une recommandations de bonnes pratiques professionnelles à destination des professionnels de la protection de l’enfance pour les aider à préparer au mieux le retour en famille des enfants placés hors du domicile familial, quels que soient leur âge, profil et vulnérabilités. Il est rappelé que le processus de retour en famille doit être progressif, qu’il s’appuie sur des évaluations régulières, pendant le placement et lors du retour, et que l’avis de l’enfant doit être pris en compte à chaque phase du processus.
La consolidation des compétences parentales est un facteur déterminant de l’opportunité et de qualité du retour. A cet égard, il convient de souligner les enjeux transversaux et les besoins spécifiques des familles en situation de précarité, à prendre en compte par l’ensemble des acteurs, en lien avec la stratégie de soutien à la parentalité (Ministère des Solidarités et de la Santé, « Dessine-moi un parent », Stratégie nationale de soutien à la parentalité 2018-2022, 2018, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_ nationale_2018-2022.pdf).
L’objectif principal de la recommandation de la HAS est de fournir aux professionnels une démarche méthodologique et pratique qui permette de sécuriser le retour en famille. Elle le décline en trois phases : apprécier la pertinence du retour en famille, le préparer en construisant avec l’enfant et ses parents des objectifs formulés de manière claire et précise, puis le sécuriser à partir du domicile familial, en mobilisant notamment les interventions de milieu ouvert autant que nécessaire.


B. Etre un parent en situation de grande précarité

Les parents avec lesquels la HAS a collaboré dans le cadre de la recommandation de bonnes pratiques professionnelles ont transmis un document sur les effets de la grande pauvreté.
La connaissance des effets des situations de grande pauvreté sur l’exercice des compétences parentales est nécessaire à la qualité des évaluations et à la définition des interventions socio-éducatives adaptées, précise le document. Le lien entre pauvreté de la famille et placement des enfants est établi (HAS, « Recommander les bonnes pratiques », « Argumentaire : améliorer l’accompagnement des enfants à la sortie des dispositifs de protection de l’enfance – volet 1 : le retour en famille », 22 juin 2021, et les références citées p. 114-115).
« Vivre en situation de grande pauvreté, c’est vivre un cumul de précarités. Nous ne parlons pas ici d’accident de parcours individuel, mais bien de toute une population qui vit l’exclusion, l’humiliation et la honte qui se transmet de génération en génération, et ce dès l’enfance.
La peur du placement est ancrée dans notre milieu et a des conséquences sur toute notre vie et celle de nos enfants : nous fuyons les services sociaux, nous n’inscrivons pas nos enfants dans des activités à l’extérieur, nous avons peur d’emmener nos enfants à l’école, car nous avons peur du jugement sur nous et sur nos enfants. Pourtant, nous savons que l’école est importante.
Les différentes précarités que nous vivons affectent la vie de nos enfants, et nous empêchent de les aider à bien grandir comme nous le voudrions. Par exemple, nous sommes obligés d’accepter des logements pas adaptés : la promiscuité crée des tensions entre les membres de la famille, les enfants peuvent parfois entendre des choses qu’ils ne devraient pas comme les soucis, les disputes [...].
Nos ressources sont tellement basses que l’on en bave, on n’a jamais le droit de se faire plaisir ni de contenter nos enfants. Et quand on arrive à faire plaisir à nos enfants, comme à Noël, on nous le reproche.
Nous ne pouvons pas nous projeter dans l’avenir, nous sommes toujours dans l’incertitude du lendemain. Le quotidien est difficile à tenir. Trop souvent nous sommes obligés de demander de l’aide, du soutien et nous dépendons d’organisations ; en plus, il y a un réel décalage entre notre demande et la réponse des institutions. On se sent humiliés, et pas considérés comme de bons parents. A force d’être rabaissés, on a honte de nous, on a peur de nous-mêmes, et de ne pas réussir à élever nos enfants. On nous infantilise.
Nos enfants n’ont pas de place pour parler de leur vie sans craindre la condamnation de leurs parents. Tout cela fait que nos enfants grandissent, mûrissent trop vite, car ils sont amenés à prendre très tôt des responsabilités.
Lorsque nos enfants sont placés, nous les voyons peu, une heure ou deux tous les 15 jours, c’est-à-dire deux jours par an et donc moins d’un mois et demi sur 18 ans. On perd le contact avec tout ce qui fait le quotidien de nos enfants. On perd les automatismes du quotidien. Nos enfants nous font moins confiance, ce qui les empêche de grandir sereinement. Nous avons peur de perdre l’affection, l’amour de nos enfants. Nous avons l’impression de les abandonner et que nos enfants ne nous appartiennent plus. [...]
Nous constatons que le regard du juge et des institutions n’est pas le même lorsque certaines choses se passent chez nous ou dans la structure d’accueil de nos enfants. C’est plus facile pour nous de dire “oui” à un travailleur social pour avoir la paix, parce qu’on en a marre d’être rabaissé ou on n’ose pas poser des questions.
Quand on est pauvre, beaucoup de choses sont jouées d’avance malgré tous nos efforts pour être de bons parents. »
Pourtant, pour les parents (P. Kertudo, « Permettre aux personnes d’exprimer comment, selon elles, il faut lutter contre la pauvreté », Recherche sociale 2015/3), ces difficultés sont sous-estimées par de nombreux professionnels, alors qu’elles leur semblent nécessaires à la compréhension de certaines difficultés éducatives rencontrées. Les effets des conditions socio-économiques très dégradées sur la situation familiale doivent être identifiés, évalués et prévenus, dans une approche partenariale entre les opérateurs concernés. Une aide appropriée pour parer aux effets de ces problématiques doit être apportée.


C. Eviter les sorties « sèches » de l’ASE



EVOLUTION LÉGISLATIVE

Le projet de loi relatif à la protection des enfants (adopté le 8 juillet 2021 en première lecture à l’Assemblée nationale) contient un article visant à garantir une solution d’accompagnement à chaque jeune de l’aide sociale à l’enfance devenant majeur.
Les dispositifs d’insertion seraient mieux articulés avec ceux de l’accompagnement socio-éducatif afin qu’aucun majeur ne se retrouve sans solution. Le projet de loi prévoit la systématisation de l’accès à la « garantie jeune », qui serait proposée lors de l’entretien de préparation à la majorité à 17 ans. L’idée est de créer un lien directement entre l’ASE et les missions locales. Pour les jeunes concernés, un contrat « jeune majeur » serait également proposé dans tous les départements. Les charges supplémentaires résultant, pour les départements, de cette dernière disposition donneraient lieu à un accompagnement financier de la part de l’Etat (sans que soit précisé à ce stade le montant des garanties financières).


JURISPRUDENCE

En application de l’article L. 222-5 du CASF – dans sa rédaction actuelle –, le contrat « jeune majeur » permet aux jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance de prolonger (entre 18 et 21 ans) les aides dont ils bénéficient pendant leur minorité (soutien éducatif, hébergement, soutien psychologique et éducatif, aide financière...). Des précisions ont été apportées par la jurisprudence.
Sous réserve de l’hypothèse selon laquelle un accompagnement doit être proposé au jeune pour lui permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée, le président du conseil départemental dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par le service de l’ASE d’un jeune majeur de moins de 21 ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants. Le président du conseil départemental peut prendre en compte le comportement du jeune majeur pour apprécier les perspectives d’insertion qu’ouvrirait une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance. Lorsqu’il est saisi d’une demande de suspension du refus d’une telle prise en charge, le juge des référés en apprécie la légalité au vu de la situation de l’intéressé à la date à laquelle il statue. Un contrat « jeune majeur » n’a pour objet que de formaliser les relations entre le service de l’ASE et le jeune majeur, dans un but de responsabilisation de ce dernier. Un tel contrat n’a ni pour objet ni pour effet de placer ce jeune majeur dans une situation contractuelle vis-à-vis du département (CE, 22 juill. 2020, n° 435974, Ville de Paris).
En cas de refus du président du conseil départemental de signer un contrat « jeune majeur », un recours en référé est possible.


EXEMPLE DE PRATIQUES ÉMERGENTES : MISE EN PLACE DE CONFÉRENCES FAMILIALES

Dans son document « Pratiques émergentes du travail social et du développement social » déjà cité, le Haut conseil du travail social identifie des initiatives prises pour mener une réflexion sur la mise en place de conférences familiales pour prévenir les sorties sèches des jeunes majeurs (p. 38). Il s’agit d’un « processus de décision par une famille et son réseau en vue de la réduction d’un problème vécu ». La conférence familiale met au centre le pouvoir d’agir des familles et du réseau des aidants de proximité, ainsi que l’expression des personnes dans leur diversité ». Appliquée à la protection de l’enfance, elle constitue un outil parmi d’autres, précise le document, à adapter à chaque situation (voir « Fiche n° 1a : Retour d’expérience du conseil départemental de l’Ardèche », p. 35).
Sur le développement du « pouvoir d’agir », un retour d’expérience du conseil départemental de l’Eure indique une action en direction des jeunes sortant de l’ASE (« Fiche n° 5a : Retour d’expérience du conseil départemental de l’Ardèche », p. 101-104). L’approche a été proposée après une formation (conduite par l’Association nationale pour le développement de l’approche développement du pouvoir d’agir [ANDA-DPA]) et implique les jeunes accueillis et sortant de placement, ainsi que les acteurs concernés (centre d’information et d’orientation, Education nationale, mission locale, maison d’enfant à caractère social, assistante familiale...).

SECTION 1 - PROTECTION VISANT L’ENFANT

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