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ENTRETIEN AVEC BORIS ALBRECHT, DIRECTEUR DE LA FONDATION

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Quelle est la spécificité de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer ?
La Fondation Adrienne et Pierre Sommer est, en France, la seule fondation privée, désintéressée et ne faisant pas appel à la générosité du public, qui soit dédiée au développement et au financement de la médiation animale, tous secteurs et tous types d’établissements confondus. À ma connaissance, il n’y a aucun équivalent dans le monde.
Bien sûr, et heureusement, nous ne sommes pas les seuls à subventionner les actions de médiation animale. Des associations caritatives à vocation généraliste ou encore des fabricants de nourriture pour animaux soutiennent régulièrement des projets ou lancent des programmes dédiés. Mais la médiation animale est pour eux un sujet parmi d’autres, au contraire de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer qui agit uniquement sur ce terrain et qui a développé au fil des années une très bonne connaissance des pratiques et de l’état de la recherche, en France comme à l’international.
La Fondation Adrienne et Pierre Sommer est à la fois acteur (par le financement d’actions de terrain, l’organisation de colloques, la rédaction et la diffusion d’informations...) et observateur du monde de la médiation animale, avec une vision à 360°. C’est ce qui la rend unique et indispensable.
Depuis quand soutenez-vous des projets de médiation animale ?
La Fondation Adrienne et Pierre Sommer a lancé son premier appel à projets en 2003 et depuis cette date, nous organisons deux campagnes par an. En 16 ans, 800 projets ont été aidés, pour un budget total de 8 millions d’euros. Pour chaque session, nous disposons d’une enveloppe globale de 300 000 à 400 000 euros. Si la demande concerne des investissements, notre aide peut aller jusqu’à 15 000 euros. S’il s’agit de dépenses de fonctionnement, nous accordons au maximum 10 000 euros par an pendant deux ans. Mais il faut dire que les porteurs de projets demandent rarement autant d’argent. Un projet moyen coûte environ 5 000 à 6 000 euros par an. Et nous sommes très sollicités par de petits projets, qui sont parfois sous-dimensionnés. Il arrive alors que le coût d’instruction du dossier dépasse le montant demandé, ce qui est plutôt contre-productif !
En 2003, lors du premier appel à projets, nous avons reçu 15 demandes – et nous en avons accepté 10. Nous sommes ensuite montés en puissance très rapidement : en 2013 par exemple, nous avons traité 180 dossiers et financé 60 d’entre eux. Pour éviter l’engorgement et la confusion, nos appels à projets s’inscrivent désormais chacun dans un champ disciplinaire aux contours précis : aujourd’hui, le handicap et les maladies de longue durée ; demain, le secteur social... De la sorte, nous recevons un peu moins de demandes et nous pouvons mieux adapter nos réponses.
Signalons enfin que nous avons beaucoup soutenu par le passé les dossiers présentés par des EHPAD. Nous l’avons fait quand il fallait défendre la cause et mener les premières expériences. Aujourd’hui, la présence animale dans des lieux accueillant des personnes âgées est devenue monnaie courante. Nous considérons que la Fondation Adrienne et Pierre Sommer a fait son travail en impulsant le mouvement, il est normal que d’autres prennent maintenant le relais. La médiation animale en EHPAD est aujourd’hui plus facilement financée sur les fonds propres des établissements.
Qui est à l’origine des projets de médiation animale qui vous sont adressés ?
Nous avons fait le choix, il y a quelques années, de ne traiter que les dossiers émanant des établissements où se dérouleront les actions de médiation animale, rejetant de fait tout dossier qui serait directement soumis par un prestataire. C’est pour nous un gage de sérieux et d’engagement : le signe que le dossier est véritablement soutenu et porté par la structure, qu’il a été discuté en interne par plusieurs personnes impliquées ou intéressées, et qu’il a de grandes chances d’être pérennisé même si ses initiateurs quittent le service ou l’établissement. Par ailleurs, si prestataire extérieur il y a, la Fondation ne souhaite pas intervenir dans son choix, qui reste une prérogative de l’établissement. Celui-ci doit être libre de changer son ou ses intervenants en médiation animale si la nécessité s’en fait sentir, sans que cela remette en cause les actions engagées ou leur financement. Enfin, nous restons volontairement neutres par rapport aux prestataires car nous souhaitons éviter qu’ils soient tentés de se présenter comme étant « labellisés » par la Fondation.
De fait, y a-t-il toujours des prestataires extérieurs dans les projets de médiation animale que vous recevez ?
Aujourd’hui, des prestataires extérieurs sont prévus dans les trois quarts des projets qui nous sont présentés. C’est le cas de figure le plus simple. Dans le quart restant, ce sont des membres du personnel de l’établissement concerné qui interviennent directement ou qui ont l’intention de le faire. Des infirmiers, des psychologues ou des éducateurs spécialisés suivent une formation spécialisée pour mettre en œuvre des actions de médiation animale dans le cadre de leur exercice. C’est une configuration que nous encourageons particulièrement car elle témoigne d’un profond engagement de la part du personnel et peut induire des petits changements notables dans leur pratique quotidienne.
La question qui se pose alors est celle de la formation. Si un établissement ne fait pas appel à un prestataire extérieur mais compte sur ses propres ressources internes pour développer des actions de médiation animale, comment former les futurs intervenants ?
De la même manière que la Fondation ne labellise pas de prestataires, elle ne labellise pas non plus de formateurs en médiation animale. En revanche, nous encourageons fortement les personnes porteuses d’un projet à se poser les bonnes questions. Quels objectifs souhaitent-elles atteindre par la médiation animale et auprès de quelles populations ? Quels animaux semblent les mieux à même de les aider à atteindre ces objectifs ? Quelles compétences possèdent-elles déjà et quelles sont les connaissances restant à acquérir ? Quelle formation peut répondre précisément à leurs besoins ? Il s’agit d’être précis et efficace, sans perdre de temps. Trop souvent, nous voyons des soignants motivés par la médiation animale se précipiter sur la première formation qui se présente sur internet, réalisant un peu tard ensuite que la moitié des enseignements proposés ne leur sera pas utile. Parfois même, il est plus intéressant de passer quelque temps en stage sur le terrain auprès de quelqu’un dont la pratique correspond parfaitement au projet en cours de développement. La médiation animale n’est pas un sujet nouveau, elle est juste plus visible qu’avant. Il faut avoir la curiosité de regarder ce qui se fait ailleurs, cela peut parfois suffire avant de se lancer soi-même. Les soignants, psychologues et travailleurs sociaux qui exercent leur métier depuis longtemps et avec amour ont souvent beaucoup plus de savoir qu’ils ne pensent. Moyennant quelques ajustements, un peu de réflexion et d’observation, la médiation animale peut facilement apporter une corde supplémentaire à leur arc !
Parlons des dossiers que vous recevez. Quelles sont les grandes catégories ?
Nous distinguons assez rapidement trois types de projets. Il y a tout d’abord ceux qui sont entièrement écrits par le prestataire. Cela se voit tout de suite et nous n’aimons pas beaucoup : cela signifie souvent que l’établissement ne s’est pas vraiment approprié le projet et qu’il acceptera qu’il se mette en place a minima, sans trop s’impliquer. Les dossiers co-construits sont beaucoup plus intéressants : le prestataire et le personnel de l’établissement ont travaillé ensemble pour aboutir à une proposition réfléchie qui a du sens. Les éléments du dossier qui concernent la population ciblée et les objectifs à atteindre sont rédigés par l’établissement, et les détails relatifs aux actions de médiation animale proprement dites émanent plutôt du prestataire. On doit sentir à la lecture du dossier que chacun maîtrise son sujet et qu’une dynamique va se créer. Enfin, troisième cas de figure : lorsque le dossier est entièrement rempli par l’établissement, c’est qu’il va gérer la médiation animale en interne. C’est ce dont nous parlions précédemment.
Avez-vous noté une évolution dans les dossiers qui vous sont soumis depuis quinze ans ? Sur la forme et sur le fond ?
Les premiers dossiers que nous recevions il y a quinze ans étaient souvent écrits à la main, pas forcément très lisiblement. Les porteurs de projets n’ont pas toujours conscience que quelqu’un va vraiment lire leur dossier, avec attention, et que la présentation est un atout capital ! Contrairement aux Anglo-Saxons, les travailleurs sociaux en France n’ont pas tellement l’habitude d’écrire sur leur pratique, c’est dommage.
Sur le fond, nous avons eu dans nos débuts beaucoup de copiés-collés, des paragraphes entiers sur la médiation animale repris mot pour mot sur les principaux sites traitant de zoothérapie... que nous connaissons par cœur naturellement ! Maladroits aussi sont ceux qui écrivent avec enthousiasme que la médiation animale est une pratique nouvelle et révolutionnaire, que rien n’est fait en France mais que tout va changer grâce à eux !
Au fil des années, les dossiers que nous recevons se sont grandement améliorés et professionnalisés sur tous les plans. Et pour être justes, il faut dire nous avons nous aussi progressé. Les demandes formulées par les porteurs de projets nous ont aidés à améliorer notre dossier de candidature. Nous avons reformulé certaines questions et ajouté des rubriques pour être mieux en adéquation avec la réalité du terrain.
Comment sélectionnez-vous les projets que vous allez financer ? Quels sont vos critères ?
Nous faisons un premier tri rapide qui nous permet d’éliminer tous les dossiers qui ne respectent pas les critères de base inclus dans notre règlement. Si par exemple, les coûts de transport induits par l’action à mettre en place sont supérieurs aux coûts de la prestation elle-même, nous refusons le dossier. Si la somme demandée à la Fondation correspond à la totalité du budget de l’action, nous refusons également. De même si la subvention sollicitée couvre des dépenses de fonctionnement et d’investissement (c’est l’un ou l’autre).
Ensuite, nous distinguons les projets à moins de 7 000 euros et les projets à plus de 7 000 euros. Nous traitons en interne les premiers. Nous les lisons attentivement, à plusieurs, et nous acceptons ceux d’entre eux qui nous semblent bien construits, cohérents, portés par la direction de l’établissement, soutenus par le personnel, avec des objectifs précis et maîtrisés. Les dossiers plus importants, dont le budget est supérieur à 7 000 euros, donnent lieu à une instruction préalable méthodique et rigoureuse. Cette instruction est généralement confiée à des doctorants ou ex-doctorants en médiation animale, qui ont l’avantage de connaître le terrain tout en sachant prendre du recul, qui sont bien informés de ce qui se pratique déjà et peuvent rapidement repérer certaines difficultés d’application. Ces doctorants remplissent un formulaire d’instruction très complet dans lequel ils résument les principaux points du projet, notent un certain nombre de critères et donnent une évaluation globale, la plupart du temps après avoir pris contact avec les porteurs du projet pour préciser ou affiner certaines questions.
Dernière étape d’un processus qui s’étale sur six mois environ : les dossiers instruits sont soumis à un jury constitué de représentants de toutes les professions concernées (psychologues, vétérinaires, psychiatres, directeurs d’établissement médico-social, éthologues, anciens bénéficiaires de subventions de la Fondation etc.), de membres de l’équipe de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer et d’une personne de la Fondation de France. Tous les dossiers instruits sont passés en revue au cours d’une journée très dense à l’issue de laquelle les décisions d’acceptation sont prises.
Et après ?
Les porteurs de projets reçoivent un courrier leur annonçant la décision positive de la Fondation. Ce courrier récapitule précisément à quelles dépenses la subvention sera affectée. Nous demandons une réponse écrite sous un mois, ce qui nous permet de vérifier d’une part que notre courrier est arrivé au bon endroit et d’autre part que le projet de médiation animale est toujours en cours ! Il peut arriver que le contexte ait changé entre l’envoi du dossier et la réponse de la Fondation. Nous sommes très souples et acceptons volontiers de différer l’octroi de la subvention, pourvu que nous soyons informés des raisons qui expliquent ce report. Il ne faut pas hésiter à nous appeler ou à nous écrire, nous sommes une petite organisation à taille humaine et sommes toujours très heureux d’avoir des contacts avec les personnes qui mènent les projets que nous aidons à mettre en œuvre. Moi-même, je me déplace très fréquemment sur le terrain et je connais personnellement bon nombre d’intervenants en médiation animale. C’est ainsi que nous concevons notre mission : dans une relation de confiance et de proximité.
Faites-vous des contrôles a posteriori ?
Bien sûr. Accorder une subvention ne signifie pas donner un blanc-seing ! Nous suivons tous les dossiers dans le temps. Nous fractionnons les règlements en demandant des bilans intermédiaires avec factures acquittées. Cela nous permet de vérifier l’état d’avancement des projets. Si besoin, nous réajustons.
Suivre les projets dans le temps, garder des relations avec les établissements, échanger régulièrement avec eux nous est très précieux, nous permet d’avoir des retours du terrain et de mieux identifier ce qui fonctionne bien.
Je voudrais pour terminer insister sur le fait que les actions de médiation animale, qui sont prioritairement destinées à améliorer la situation de personnes en situation de fragilité mais qui peuvent aussi avoir une action bienfaisante sur les autres, contribuent grandement à faciliter la vie des collaborateurs au sein des structures où ils travaillent. La présence de l’animal apaise les relations humaines et améliore la communication des professionnels entre eux.

SECTION 2 - FINANCER UN PROJET DE MÉDIATION ANIMALE : LE RÔLE CLÉ DE LA FONDATION ADRIENNE ET PIERRE SOMMER

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