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La définition juridique du projet pour l’enfant

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[Code de l’action sociale et des familles, articles L.223-1 et suivants]
C’est l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles qui définit le projet pour l’enfant. Ce document est obligatoirement établi pour chaque mineur suivi au titre de l’aide sociale à l’enfance. Ce projet doit exister pour toutes mesures administratives ou judiciaires, de milieu ouvert ou de placement ; seules les aides financières sont exclues de cette démarche. Il convient de distinguer le contenu du projet pour l’enfant, ses modalités de mises en œuvre, et les questions particulières liées, d’une part, à l’articulation entre le projet pour l’enfant et les autres documents relatifs à la prise en charge et, d’autre part, à la communication de ce document.


A. SON CONTENU

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 223-1-1, D. 223-12 et D. 223-14]
Le projet pour l’enfant se fonde sur les motivations de la mesure administrative ou judiciaire en déclinant les objectifs posés par le contrat d’admission à l’aide sociale à l’enfance ou par la décision du juge des enfants.
« Dans une approche pluridisciplinaire, ce document détermine la nature et les objectifs des interventions menées en direction du mineur, de ses parents et de son environnement, leur délai de mise en œuvre, leur durée, le rôle du ou des parents et, le cas échéant, des tiers intervenant auprès du mineur » (CASF, art. L. 223-1-1). Le projet pour l’enfant s’appuie sur l’évaluation globale de la situation de l’enfant et des objectifs poursuivis par la mesure mise en place pour décliner ensuite les moyens de l’action menée et sa temporalité. Il s’agit des moyens mis à disposition par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance, mais aussi des ressources mobilisables au sein de la famille, et plus largement dans l’entourage de l’enfant.
Le décret d’application du 28 septembre 2016 (1) confirme que le projet pour l’enfant est établi pour toute prestation d’aide sociale à l’enfance (hors aides financières) ou pour toute mesure de protection judiciaire, dans un délai de trois mois à compter du début de la prestation ou de la mesure (CASF, art. D. 223-12). Ce texte définit une trame générale du projet qui doit contenir des informations relatives à l’identité de l’enfant, des parents, et de la fratrie, mais aussi les informations sur le lieu de vie ou encore le service qui suit l’enfant et l’identité du référent au sein des services de l’aide sociale à l’enfance. Il s’agit d’un document ambitieux qui décrit les actions à mener auprès de l’enfant, des titulaires de l’autorité parentale et de l’environnement. Il repose sur une évaluation actualisée de la situation dans laquelle l’enfant se trouve (en privilégiant trois dimensions, à savoir : le développement, la santé physique et psychique de l’enfant, les relations avec sa famille et les tiers et enfin sa scolarité et sa vie sociale).
La loi du 14 mars 2016 rappelle que le projet pour l’enfant reprend certaines exigences posées par ailleurs par le code de l’action sociale et des familles. Il en est ainsi de l’association de l’enfant aux décisions qui le concernent, de l’attention portée à la non-séparation des fratries ou encore de la santé de l’enfant. Ainsi, selon l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles, le jeune est associé à l’établissement du projet pour l’enfant, selon des modalités adaptées à son âge et à sa maturité. Il doit donc être consulté et s’exprimer sur les actions proposées dans le cadre de ce projet. Par ailleurs, le même article prévoit que « le projet pour l’enfant prend en compte les relations personnelles entre les frères et sœurs, lorsqu’elles existent, afin d’éviter les séparations, sauf si cela n’est pas possible ou si l’intérêt de l’enfant commande une autre solution ». Cette formulation particulièrement ambiguë met en exergue la difficulté du dispositif actuel à faire respecter le principe de non-séparation des fratries. Le texte intègre cette contrainte de fonctionnement en permettant une séparation des fratries dans l’intérêt de l’enfant, mais aussi chaque fois qu’iln’est pas possiblede maintenir un accueil commun de la fratrie. Or, dans certaines situations, le manque de places disponibles ou encore l’organisation de l’accueil par tranche d’âge au sein des établissements rendent impossible le maintien des fratries au sein de la même unité de vie. Enfin, le texte prévoit que « l’élaboration du projet pour l’enfant comprend une évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soins qui doivent être intégrés au document ». Ce dernier impératif sera plus difficile à mettre en œuvre car il nécessite d’avoir recours à des professionnels qualifiés qui soient en mesure d’apprécier la santé physique, psychique et psychologique de l’enfant. Or, les services départementaux n’ont pas toujours ces ressources en interne et le secteur sanitaire qui pourrait être compétent dans ce cadre est souvent difficilement mobilisable et parfois même sous-doté pour assurer l’évaluation et/ou le suivi des enfants de l’aide sociale à l’enfance qui en auraient besoin.


B. SES MODALITÉS D’ÉLABORATION

La loi du 14 mars 2016 précise les modalités d’élaboration du projet pour l’enfant. Aux termes de l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles, « le président du conseil départemental est le garant du projet pour l’enfant, qu’il établit en concertation avec les titulaires de l’autorité parentale et, le cas échéant, avec la personne désignée en tant que tiers digne de confiance ainsi qu’avec toute personne physique ou morale qui s’implique auprès du mineur ». Ce nouvel alinéa modifie en profondeur la formulation retenue en 2007 selon laquelle « les services départementaux et les titulaires de l’autorité parentale établissent un document intitulé « projet pour l’enfant » » (CASF, ancien art. L. 233-1). La distinction entre ces deux formules met en évidence le changement de paradigme opéré par la loi du 14 mars 2016 qui a pour premier objectif la protection de l’enfant. Le nouveau texte renonce à mettre sur un pied d’égalité les services départementaux et les titulaires de l’autorité parentale et affirme que le président du conseil départemental est le garant du projet pour l’enfant. Par ailleurs, dans la nouvelle version du texte, le projet pour l’enfant n’est plus établi conjointement avec les titulaires de l’autorité parentale et cosigné entre les parents, le président du conseil départemental et les représentants de chacun des organismes chargés de mettre en œuvre les interventions comme le prévoyait la loi du 5 mars 2007. Le législateur de 2016 considère simplement que le projet pour l’enfant est établi « en concertation » avec les titulaires de l’autorité parentale.
Selon le décret d’application du 28 septembre 2016, « il est proposé aux titulaires de l’autorité parentale ainsi qu’à l’enfant en âge de discernement de signer le projet pour l’enfant » (CASF, art. D. 223-16, al. 2).
Ces dispositions interrogent sur les situations dans lesquelles les parents refusent de collaborer à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet pour l’enfant. Il en est ainsi chaque fois que le juge des enfants ordonne des mesures sans parvenir à recueillir l’adhésion de la famille. En effet, selon la loi du 14 mars 2016, le président du conseil départemental est garant du projet pour l’enfant et ce document est obligatoire pour chaque enfant bénéficiant d’une mesure administrative et judiciaire. Par conséquent, on pourrait considérer que le président du conseil départemental est en mesure de l’établir unilatéralement dans la mesure où il a recherché la participation des parents. Le président du conseil départemental serait ainsi tenu non plus à une obligation de résultat comme en 2007, mais plutôt à une obligation de moyen : celle d’avoir recherché la participation des parents à l’élaboration du projet pour l’enfant.
La signature du projet par l’enfant révèle elle aussi des enjeux complexes. Se pose d’abord la question de savoir quelle est la valeur juridique de cette signature, l’enfant étant soumis au principe de l’incapacité juridique. De manière corrélée, on peut s’interroger sur les conséquences d’un refus de signature par l’enfant. Si, sur le plan de la prise en charge éducative, une telle position ne peut être niée et doit être réfléchie, sur le plan juridique ce refus doit-il être considéré comme une impossibilité à mettre en œuvre la mesure proposée dans un cadre administratif, nécessitant alors une saisine du juge des enfants ? Ou doit-on considérer que l’accord de ses responsables légaux suffit ? La loi comme le décret restent silencieux sur ces questions. La signature de l’enfant apparaît ainsi comme un simple outil pour formaliser sa participation, sans pour autant que les enjeux juridiques imputables à cette signature soient véritablement mesurés par le droit.


C. SON ARTICULATION AVEC LES AUTRES DOCUMENTS RELATIFS A LA PRISE EN CHARGE

L’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que « les autres documents relatifs à la prise en charge de l’enfant, notamment le document individuel de prise en charge et le contrat d’accueil dans un établissement, s’articulent avec le projet pour l’enfant ». Cette déclaration de bonne intention, qui vise à assurer la cohérence des documents prévus au titre de la protection de l’enfance avec ceux institués par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale au titre des droits des usagers, est en l’état difficile à appliquer. Il s’agit d’identifier le document de référence parmi cet ensemble. On peut penser qu’il s’agit du projet pour l’enfant, néanmoins la loi ne le dit pas explicitement. En outre, le législateur passe entièrement sous silence la question de l’articulation du projet pour l’enfant avec le contrat d’accueil familial.


D. LES RÈGLES DE COMMUNICATION DU PROJET POUR L’ENFANT

La loi du 14 mars 2016 crée un article supplémentaire qui encadre les règles de communication du projet pour l’enfant. Selon l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles, « le projet pour l’enfant est remis au mineur et à ses représentants légaux et est communicable à chacune des personnes physiques ou morales qu’il identifie selon les conditions prévues au livre III du code des relations entre le public et l’administration ». Ce renvoi n’est pas sans laisser certaines incertitudes sur le cadre juridique applicable comme le montrent les développements propres à cette question (cf. infra, A savoir aussi). Il est néanmoins important de souligner que le projet pour l’enfant devient dans ce cadre un document partagé entre l’enfant, ses parents et les différents acteurs de la prise en charge. La remise du document à l’enfant appelle une vigilance particulière des professionnels pour lui permettre de bien comprendre de quoi il s’agit et l’accompagner dans la lecture des informations qu’il contient. Le texte prévoit par ailleurs que le projet pour l’enfant est transmis au juge lorsque celui-ci est saisi.


(1)
Décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016, JO du 30-09-16.

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