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Les ressortissants non européens couverts par le droit de l’Union européenne

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A certains égards, le droit de l’Union européenne a une vocation universaliste et n’est donc pas destiné à régir uniquement la situation de personnes de nationalité européenne. Les situations sont assez nombreuses dans lesquelles le droit de l’Union européenne permet aux étrangers non européens, dès lors qu’ils résident de manière effective en France, d’accéder aux prestations familiales selon des conditions plus favorables que celles qui sont prévues par le droit interne.


A. LES MEMBRES DE LA FAMILLE DE RESSORTISSANTS D’ÉTATS TIERS



I. Les droits ouverts au titre du règlement (CE) 883/2004

Le règlement (CE) 883/2004 du 29 avril 2004, qui coordonne les régimes nationaux de sécurité sociale, a pour finalité d’encourager la mobilité des citoyens européens au sein de l’Union européenne, des pays de l’Espace économique européen et de la Suisse. Cette mobilité ne serait pas effective si le citoyen de l’Union ne pouvait être accompagné des membres de sa famille et si ceux-ci ne pouvaient bénéficier des mêmes prestations que les nationaux. Pour cette raison, un ressortissant non européen, membre de la famille d’un ressortissant européen qui dispose d’un droit de séjour en France, ouvre droit aux prestations familiales françaises pour ses enfants à charge sans que les conditions posées par l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale n’aient à être remplies.


II. Les inactifs européens qui remplissent les conditions du droit de séjour régulier en France

S’agissant des inactifs européens qui remplissent les conditions du droit de séjour régulier en France (ressources suffisantes et assurance maladie) au titre de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, le droit de séjour est étendu au descendant direct âgé de moins de 21 ans ou à charge, à l’ascendant direct à charge, au conjoint, à l’ascendant ou au descendant direct à charge du conjoint, l’accompagnant ou le rejoignant. Aucune condition de nationalité n’est requise des membres de la famille pour bénéficier de ce droit de séjour dérivé de celui de l’inactif européen. Toutefois, les membres de la famille de ressortissants d’un Etat tiers et titulaires d’un droit de séjour restent tenus à l’obtention d’un titre de séjour. Les prestations familiales peuvent ainsi leur être accordées en qualité d’allocataire même si le titre de séjour délivré ne figure pas dans la liste des documents prévus à l’article D. 512-1 du code de la sécurité sociale.
Peuvent être considérés les membres de la famille dont les liens avec le ressortissant européen sont les suivants : conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS ; descendants directs âgés de moins de 21 ans ou à charge du ressortissant européen ; ascendants directs à charge du ressortissant européen ; ascendants ou descendants directs à charge du conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS du ressortissant européen.


III. La dissolution des liens familiaux

Les ressortissants d’Etats tiers admis au séjour en leur qualité de membre de famille, conservent leur droit au séjour :
  • en cas de décès du ressortissant accompagné ou rejoint ou si celui-ci quitte la France ;
  • en cas de divorce ou d’annulation du mariage avec le ressortissant accompagné ou rejoint.
Ainsi, l’allocataire ou le demandeur ne remplissant plus les conditions pour être considéré comme membre de la famille à la suite d’un accident de la vie (cf. supra)conserve son droit au séjour et, de ce fait, les prestations familiales. La durée du maintien du droit au séjour est limitée à la durée de validité du titre de séjour en sa possession.


IV. Le droit de séjour permanent

Les membres de la famille ressortissants d’Etats tiers sont susceptibles d’acquérir le droit de séjour permanent (cf. supra, chapitre 4),ce qui leur donne droit aux prestations familiales dans les mêmes conditions que les ressortissants français. Rappelons que les membres de la famille de ressortissants d’un Etat tiers sollicitent la délivrance d’une carte de séjour portant la mention « UE-séjour permanent-toutes activités professionnelles » dans le délai de deux mois qui précède l’échéance de la période ininterrompue de cinq ans de séjour régulier. Cette carte, d’une durée de validité de dix ans, doit être délivrée dans un délai maximal de six mois à compter du dépôt de la demande. Son renouvellement doit être demandé dans un délai de deux mois avant sa date d’expiration (Ceseda, art. R. 122-2).Lorsque le droit au séjour permanent est acquis, l’intéressé dispose du droit de demeurer en France sans plus avoir à justifier des critères du droit au séjour.


B. LES RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS RÉSIDENTS DE LONGUE DURÉE



I. Le droit à l’égalité de traitement

La directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée prévoit d’une part que les Etats membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause, d’autre part que ce statut confère le droit à l’égalité de traitement dans certains domaines.
Ainsi l’article 11 de la directive dispose-t-il que le résident de longue durée bénéficie de l’égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne « la sécurité sociale, l’aide sociale et la protection sociale telles qu’elles sont définies par la législation nationale », même si « en matière d’aide sociale et de protection sociale, les Etats membres peuvent limiter l’égalité de traitement aux prestations essentielles ».
La Cour de justice a jugé que cette directive s’oppose à une réglementation italienne qui prévoit, en ce qui concerne l’octroi d’une aide au logement, un traitement différent pour un ressortissant de pays tiers bénéficiaire du statut de résident de longue durée (1). La notion de « prestations essentielles » renvoie à tout le moins à des prestations qui contribuent à permettre à la personne de faire face à ses besoins élémentaires, tels que la nourriture, le logement et la santé.


II. L’absence de transposition en droit français

Alors que le statut de « résident de longue durée » a été incorporé dans le code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile, le droit à l’égalité de traitement qui y est associé en matière de protection sociale n’a pas été transcrit en droit interne, en particulier dans l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale.
Il appartiendra donc aux tribunaux, français ou européen, de préciser la portée de ce principe. La caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a saisi la Cour de justice de l’Union européenne, afin qu’elle se prononce sur la compatibilité des conditions posées par les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale avec l’article 11 de la directive 2003/109/CE (2).


C. LES RESSORTISSANTS D’ÉTATS TIERS BÉNÉFICIAIRES DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

Plusieurs accords bilatéraux conclus d’une part entre la Communauté européenne et ses Etats membres, et d’autre part avec certains pays tiers, organisent un principe d’égalité de traitement en matière de prestations familiales (sur les accords d’association et de coopération, cf. supra, chapitre 4, section 1, § 1). Tel est le cas tout particulièrement des accords conclus respectivement avec l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Turquie. Ces accords prévoient en particulier le bénéfice des prestations familiales pour les membres de la famille résidant à l’intérieur de la Communauté.
En application de ce principe d’égalité de traitement, la Cour de cassation considère que l’absence de toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine d’application de ces accords implique qu’un ressortissant d’un de ces pays résidant légalement dans un Etat membre soit traité de la même manière que les nationaux de l’Etat membre d’accueil, de sorte que la législation de cet Etat membre ne saurait soumettre l’octroi d’une prestation sociale à un tel ressortissant à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles qui sont applicables à ses propres ressortissants.
Il en résulte que l’application des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui, en ce qu’ils soumettent le bénéfice des allocations familiales à la production du certificat médical délivré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à l’issue de la procédure de regroupement familial, instituent une discrimination directement fondée sur la nationalité, doit être écartée (3).
Consacré par la Cour de cassation pour les travailleurs algériens et turcs ainsi que les membres de leur famille, le principe de non-discrimination en matière de prestations familiales vaut tout aussi bien pour les travailleurs marocains et tunisiens ainsi que les membres de leur famille. Les accords conclus avec l’Albanie, le Monténégro et San Marin donnent les mêmes droits aux ressortissants d’Etats tiers. En revanche, les accords établis avec l’Egypte, la Jordanie, le Liban et Israël ne comportent pas une telle clause d’égalité de traitement : par conséquent, à ce stade, ces dossiers ne peuvent donner lieu à paiement.
En tout état de cause, ces deux décisions du 5 avril 2013 n’emportent pas une ouverture inconditionnelle aux prestations familiales pour les ressortissants des pays concernés. Premièrement, l’égalité de traitement ne concerne que les travailleurs et les membres de leur famille. Même si la notion de travailleur reçoit une interprétation extensive, elle n’est pas sans limites. Il a pu notamment être jugé que la qualité d’étudiant exclut celle de travailleur (4). Deuxièmement, l’égalité de traitement ne bénéficie qu’aux personnes qui sont en situation régulière sur le territoire français.
Sous réserve de ces conditions cumulatives, les droits aux prestations doivent être mis en paiement et régularisés de manière rétroactive dans la seule limite de la date de régularité de séjour des parents, attestée par un titre de séjour conforme aux exigences réglementaires : les droits peuvent être ouverts à compter du mois suivant la date de validité du titre de séjour.


Prestations familiales et convention bilatérale franco-ivoirienne

Saisi d’une action émanant d’une ressortissante ivoirienne à qui le bénéfice des prestations familiales avait été refusé au motif que son enfant, de nationalité ivoirienne, était entré en France sans le certificat médical délivré par l’OFII, le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Paris a jugé que « ni l’article 1, ni l’article 35 de la convention bilatérale ne subordonnent le droit aux prestations familiales pour les travailleurs ivoiriens aux conditions prévues par la législation française relatives à la régularité de l’entrée et du séjour en France de leurs enfants » (5). Il conviendra d’observer si cette jurisprudence est confirmée par les juridictions supérieures. A la lumière des arrêts de l’assemblée plénière du 5 avril 2013, il y a lieu de penser que l’application des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui soumettent le bénéfice des allocations familiales à la production du certificat médical délivré par l’OFII à l’issue de la procédure de regroupement familial, institue effectivement une discrimination directement fondée sur la nationalité contraire à l’ensemble des conventions bilatérales concernées.


(1)
CJUE, 24 avril 2012, aff. C-571/10, Kamberaj.


(2)
TASS Bouches-du-Rhône, 15 janvier 2013, recours n° 20904404 et CJUE, Mlamali, aff. (pendante) C-257/13.


(3)
Cass. ass. plén., 5 avril 2013, nos 11-17.520 et 11-18.947.


(4)
Cass. soc., 26 novembre 1998, n° 97-12058.


(5)
TASS, Paris 20 février 2013, n° 12-04637.

SECTION 2 - LES PRESTATIONS FAMILIALES DES RESSORTISSANTS NON EUROPÉENS

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