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Cour des comptes : la politique de lutte contre l’immigration irrégulière jugée inefficace

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Le dernier rapport de la Cour des comptes préconise la formalisation d'une stratégie interministérielle de lutte contre l'immigration irrégulière.

Crédit photo Adobe Stock
Système cloisonné, mauvaise gestion budgétaire, juridictions administratives saturées… Les nombreuses mesures instituées par l’Etat pour contrer la présence de ressortissants étrangers en situation clandestine sur le territoire se heurtent à plusieurs obstacles structurels.

La coordination s’impose. Dans son rapport sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine publié le 4 janvier, la Cour des comptes dénonce les conséquences du manque de stratégie globale sur les actions menées, dont le budget annuel s’élève à 1,8 milliard d’euros.

Un décloisonnement nécessaire

La conduite de cette politique, portée à 90 % par le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, se révèle défaillante, notamment du fait des répercussions qu’elle engendre sur d’autres secteurs de l’action publique tels que celui de l’hébergement d’urgence ou de la santé. En cause d’abord, un contrôle frontalier jugé aléatoire en raison des coûts humains et matériels importants nécessaires à la pleine application de la loi. S’y ajoute le soutien réduit de l’agence Frontex dont la compétence se cantonne aux frontières extérieures de l’espace Schengen. De plus, les relevés d’identité de la police aux frontières s’effectuent sur un simple mode déclaratif et les données répertoriées ne sont pas intégrées à un système d’information national. La Cour recommande donc de les conserver dès lors que les personnes entrent en France.

Dans un contexte où les entrées irrégulières augmentent depuis 2015, la réponse politique fluctue. « Le cadre législatif a fait l’objet de 133 modifications en moins de 10 ans, tandis que le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer a tendance, au gré de l’actualité, à réaffirmer ses priorités par circulaires, sans constituer pour autant de stratégie globale », note à nouveau la Cour des comptes.

Effacer les disparités territoriales

Globalement et bien qu’incertain, le nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire national est estimé à 466 000 (1). Entre 2019 et 2022, les préfets, responsables du traitement de ce public dans les procédures administratives, ont prononcé 447 257 obligations de quitter le territoire français (OQTF). « La moitié d’entre elles émanait de dix départements, tandis que cinquante représentent moins de 10 % des mesures prononcées, témoignant d’une pression migratoire différenciée sur le territoire », précise le rapport.

Autre paradoxe : le nombre d’OQTF prononcés sur les cinq dernières années a augmenté de 60 % quand les effectifs préfectoraux chargés de l’éloignement et du contentieux des étrangers ont augmenté de 9 %. Résultat ? Surchargés, les fonctionnaires de l’Etat commettent régulièrement des erreurs juridiques et peinent à respecter les délais légaux. Les juridictions administratives se voient ainsi saturées par la masse de ce type de dossiers (41 %). « La qualité juridique des procédures est essentielle à une politique de lutte contre l’immigration irrégulière efficace », rappelle la Cour, qui recommande « de renforcer les moyens humains de ces services afin d’améliorer la qualité des décisions et d’assurer une défense contentieuse systématique. En parallèle, une simplification du contentieux des étrangers doit s’opérer ».

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Homogénéiser le système

Sur le plan technique, la douzaine de systèmes d’information existants pour contrôler les frontières se montrent insuffisamment connectés. Leur rapprochement apparaît pourtant nécessaire à la lutte contre la clandestinité. De la même manière, le ministère de l’Intérieur ne transmet pas suffisamment de données aux autres ministères. « Le prononcé d’une OQTF n’est pas automatiquement transféré aux organismes de sécurité sociale ou aux bailleurs sociaux, ce qui peut entraîner le versement indu de prestations sociales », illustre en exemple le document. La Cour des comptes appelle donc à accélérer les travaux de rapprochement des bases de données, dans le respect des règlementations relatives au traitement des données personnelles.

Encourager l’aide au retour volontaire

Enfin, l’exécution des mesures d’éloignement s’avère faible. Entre 2019 et 2022, 5 % des personnes sous OQTF ont été placées dans un centre de rétention administrative. Parmi elles, seule près de la moitié a été éloignée. « Ce qui rend la rétention indispensable à l’éloignement forcé », pointent les auteurs du rapport. Au regard de la faiblesse d’exécution des mesures, les moyens sont prioritairement mis sur la rétention d’individus qui présentent une menace à l’ordre public ou ont fait l’objet d’une condamnation pénale récente. Ces personnes représentaient 90 % des retenus fin 2022, contre moins de 50 % six mois avant. Conséquences : le délai moyen en rétention s’est allongé, les incidents croissent et l’ouverture de nouvelles places n'est pas suivie d’embauches de personnels, faute d’attractivité dans le secteur.

Selon la Cour, s’il est difficile de prouver que des éloignements plus nombreux conduiraient à réduire le flux entrant d’immigration, il existe en revanche une corrélation nette entre le volume des éloignements forcés et celui des retours aidés et volontaires. « La question reste ouverte quant aux perspectives à envisager pour les étrangers en situation irrégulière qui se maintiennent sur le territoire et dont l’éloignement n’est pas prioritaire », souligne-t-elle. Une des réponses possibles serait l’aide au retour volontaire, mesure non coercitive et moins couteuse que le retour forcé.


(1) Chiffres décembre 2023, « Rapport sur l’aide médicale d’Etat ».
>> Rapport de la Cour des comptes La politique de lutte contre l’immigration irrégulière

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