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LE CONTENTIEUX DE L’INCAPACITÉ

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Le contentieux de l’incapacité naît pour l’essentiel à l’occasion de l’examen des demandes d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ou de l’allocation aux adultes handicapés, pour lesquelles le taux d’incapacité constitue une condition d’éligibilité. Aux termes de l’article L. 241-6, I, 3°, du code de l’action sociale et des familles, il appartient, dans un cas comme dans l’autre, à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées d’apprécier ce taux.
Que ce soit en matière d’AEEH ou d’AAH, un recours amiable contre les décisions de la CDAPH est toujours envisageable préalablement à l’exercice du recours juridictionnel (cf. encadré p. 66).


A. L’ALLOCATION D’ÉDUCATION DE L’ENFANT HANDICAPÉ

L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé est une prestation familiale à affectation spéciale (C. séc. soc., art. L. 511-1),délivrée par les organismes débiteurs de prestations familiales (les caisses d’allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole). Elle est destinée à compenser les frais d’éducation et de soins apportés à un enfant handicapé et elle est évaluée en fonction du coût du handicap de l’enfant, de la cessation ou de la réduction d’activité professionnelle de l’un des parents nécessitée par ce handicap ou de l’embauche d’une tierce personne. Elle a remplacé, au 1er janvier 2006, l’allocation d’éducation spéciale (AES). Un changement de forme plus qu’un changement de fond, la seule nouveauté résidant dans la création d’une majoration spécifique pour parent isolé d’enfant handicapé. Le contentieux applicable à l’AES est donc transposable à l’AEEH.


1. LE CONTENTIEUX DES CONDITIONS D’ATTRIBUTION

Les décisions de la CDAPH relatives à l’appréciation du taux d’incapacité justifiant l’attribution de l’AEEH et de son complément ou encore de la majoration spécifique pour parent isolé d’enfant handicapé peuvent être contestées devant le tribunal du contentieux de l’incapacité (CASF, art. L. 241-9). L’AEEH étant une prestation familiale, les tribunaux administratifs sont, en ce domaine, incompétents (1).
A ce titre, il a été précisé que la demande d’allocation d’éducation spéciale ne peut être formulée que par la personne qui assume la charge de l’enfant handicapé (2). En outre, cette allocation, dont l’attribution débute à compter du premier jour du mois du dépôt de la demande, ne peut être octroyée pour une période antérieure à cette date (3).
L’appréciation des conditions d’octroi des compléments d’AES (et aujourd’hui d’AEEH) suscite également de nombreuses décisions des juridictions de l’ordre judiciaire. Ainsi, la Cour de cassation relève que lorsque l’attribution d’un complément est soumise à la condition de cessation d’activité, cette dernière n’est pas remplie lorsque le parent qui prétend avoir cessé son activité pour s’occuper de l’enfant perçoit des indemnités de chômage (4).
La compétence des juridictions de l’incapacité s’étend, en outre, aux actions en responsabilité intentées à l’encontre de l’Etat pour les décisions prises dans ce domaine, demandes tendant à la condamnation de l’Etat à réparer les conséquences de décisions illégales. En effet, s’agissant d’actes pris par une autorité administrative mettant en œuvre une législation dont le contentieux relève de juridictions rattachées à l’ordre judiciaire, et les actes juridictionnels de l’une de ces juridictions, le litige né de ce chef est de la compétence de cet ordre de juridictions (5).
Les décisions rendues par la CDAPH peuvent faire l’objet d’un recours dans les deux mois qui suivent leur notification.


2. LE VERSEMENT

Les contentieux liés au versement de la prestation relèvent, quant à eux, du tribunal des affaires de sécurité sociale (6).
Cette juridiction est en particulier saisie lorsque les organismes débiteurs de prestations familiales refusent d’acquitter la prestation octroyée par la CDAPH, en raison d’un litige portant sur les conditions administratives d’attribution de la prestation (C. séc. soc., art. L. 142-1).
A ce titre, la Cour de cassation a rappelé que les décisions des organismes chargés du versement de l’allocation d’éducation spéciale (désormais AEEH) instituée en faveur des mineurs handicapés sont prises conformément à la décision de la commission départementale d’éducation spéciale (aujourd’hui CDAPH) qui apprécie si l’état de l’enfant ou de l’adolescent justifie cette attribution. En conséquence de quoi, lorsque l’allocation a été versée contrairement à la décision défavorable de la commission départementale qui s’imposait tant à l’allocataire qu’à la caisse d’allocations familiales, cet organisme ne peut être débouté de son action en répétition de l’indû au seul motif qu’il n’était pas justifié de la notification de ladite décision à l’allocataire (7).


B. L’ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

L’allocation aux adultes handicapés est une prestation subsidiaire garantissant un revenu minimum aux personnes adultes handicapées ne pouvant pas prétendre à un avantage de vieillesse, d’invalidité ou à une rente d’accident du travail d’un montant au moins égal à celui de l’AAH (C. séc. soc., art. L. 821-1).
Cette prestation est attribuée à partir d’un certain taux d’incapacité sous réserve que l’intéressé remplisse des conditions de résidence, de nationalité, d’âge et de ressources. Le niveau d’incapacité permanente, appréciée par la CDAPH en fonction d’un guide barème, doit être d’au moins 80 % ou compris entre 50 et 80 % si la personne handicapée est dans l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle compte tenu de son handicap.
La CDAPH dispose d’un délai maximal de quatre mois pour statuer sur la demande (CASF, art. R. 241-33). Au-delà, celle-ci est réputée rejetée et un recours devant le tribunal de l’incapacité peut être formé.


1. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

A l’instar de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, le contentieux résultant de l’admission à l’AAH relève en première instance du tribunal du contentieux de l’incapacité (CASF, art. L. 241-9, al. 1) et non du tribunal administratif (8). Il en est de même lorsque la contestation porte sur des demandes d’indemnité fondées sur l’illégalité dont seraient entachées les décisions rendues dans ce domaine (9).
En revanche, les recours relatifs au versement de l’AAH relèvent des tribunaux des affaires de sécurité sociale, et non du tribunal de l’incapacité. Les tribunaux de l’ordre administratif sont incompétents en la matière (10).
Le tribunal des affaires de sécurité sociale intervient en particulier dans tous les litiges portant sur l’appréciation faite par les organismes débiteurs de prestations familiales des ressources du bénéficiaire, et partant du montant de l’allocation aux adultes handicapés versé (C. séc. soc., art. L. 142-1). Rappelons que l’AAH est une allocation différentielle dont le montant versé tient compte des ressources du bénéficiaire.


2. LE CONTENTIEUX DES CONDITIONS D’ADMISSION

Pour prétendre à l’allocation aux adultes handicapés, la personne doit être de nationalité française et résider de façon permanente sur le territoire français. Les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, doivent justifier de la régularité de leur séjour en France ou être titulaires d’un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour (C. séc. soc., art. L. 821-1) (11).
Le bénéfice de l’AAH est conditionné à la résidence sur le territoire français. Cette condition s’entend d’une résidence présentant un caractère stable et effectif coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations de la personne concernée (12).
Les ressources prises en compte pour le calcul du droit à l’AAH sont constituées de l’ensemble des revenus nets catégoriels du ménage retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, y compris les revenus des capitaux mobiliers soumis à un prélèvement libératoire (13), augmentés ou diminués de certains revenus, charges ou abattements spécifiques, notamment des pensions alimentaires versées (14). Les revenus provenant d’une activité professionnelle en milieu ordinaire ou spécialisé bénéficient d’abattements.
A cet égard, l’ensemble des ressources du foyer doit être pris en considération, et non seulement celles de la personne handicapée. Le fait que l’autre conjoint n’apporte aucune aide financière au bénéficiaire est sans incidence sur cette règle (15).
En tant que prestation d’assistance dépourvue de caractère indemnitaire, l’AAH ne peut pas venir en déduction des sommes allouées à la victime d’un accident imputable à un tiers en réparation du dommage subi (16) ; de fait l’indemnité versée n’a pas à être prise en compte dans le calcul de cette allocation.
En cas de perception d’un autre avantage par le bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés, le montant cumulé de l’allocation différentielle qui lui est due et de cet avantage doit être égal au montant de l’allocation aux adultes handicapés au taux plein, de sorte que tout adulte handicapé puisse, quel qu’ait été le mode de calcul de l’allocation différentielle, disposer d’un minimum de ressources équivalant à ce taux (17).


3. LE VERSEMENT

Un organisme débiteur de prestations sociales ne peut se voir reprocher de ne pas avoir étudié les droits d’une personne à l’AAH, dès lors que la commission chargée d’apprécier l’éligibilité de l’intéressé à cette prestation ne s’est pas prononcée sur son taux d’incapacité, qui constitue une condition substantielle pour l’ouverture du droit (18).
L’appréciation, d’ailleurs susceptible de révision, du taux d’incapacité et de l’impossibilité de se procurer un emploi du fait de ce handicap appartient à la CDAPH, sous réserve de l’exercice des voies de recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale. L’organisme gestionnaire de la prestation ne peut décider de son chef de suspendre son versement au motif que les conditions d’incapacité ne sont plus réunies, pas plus qu’il ne peut, de son propre chef, décider de ne pas verser l’AAH au motif que le bénéficiaire occupe un emploi et ne répond donc plus à la condition d’impossibilité de se procurer un emploi (19). Il doit au besoin saisir le tribunal du contentieux de l’incapacité (20).


4. LA PRESCRIPTION

L’action du bénéficiaire pour le versement de l’AAH se prescrit par deux ans. Cette prescription est applicable à l’action en répétition de l’indu intentée par un organisme payeur. Cependant, elle est exclue en cas de manœuvres frauduleuses ou de fausses déclarations (C. séc. soc., art. L. 821-5). La caisse d’allocations familiales peut donc poursuivre la répétition d’indus d’AAH au-delà de ce délai, dès lors qu’il est démontré que le bénéficiaire avait volontairement omis de déclarer à la caisse sa situation de concubinage dans le but de percevoir, en fraude de la loi, des presta-tions indues (21).


C. LES AUTRES DROITS FONDÉS SUR L’INVALIDITÉ

La reconnaissance d’une invalidité est susceptible d’ouvrir à la personne handicapée d’autres droits tels que la carte d’invalidité, la carte de priorité, ou encore la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (sur ce point, cf. supra, § 3, A, 2). Dans tous les cas, le contentieux résultant de l’appréciation de cette invalidité relève de la compétence des tribunaux de l’incapacité (CASF, art. L. 241-9).


1. LA CARTE D’INVALIDITÉ

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 241-3]
La carte d’invalidité est délivrée par la CDAPH, sur demande, à toute personne dont le taux d’incapacité permanente est au moins de 80 %, ou qui bénéficie d’une pension d’invalidité classée en 3e catégorie par la sécurité sociale. Elle permet à son bénéficiaire d’avoir une priorité d’accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d’attente, ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public (pour le titulaire et la personne accompagnante), une priorité dans les files d’attente des lieux publics, des avantages fiscaux, une exonération éventuelle de la redevance audiovisuelle.
Le contentieux résultant de son obtention relève des juridictions du contentieux de l’incapacité et non des juridictions administratives (22).
La décision d’attribution de la carte d’invalidité, même non assortie d’une limitation dans le temps, ne fait pas obstacle à sa révision périodique et à une remise en cause de son bénéfice, dès lors que le taux d’incapacité a diminué et se trouve dorénavant inférieur à 80 % (23).


2. LA CARTE DE PRIORITÉ

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 241-3-1]
Toute personne atteinte d’une incapacité inférieure à 80 % rendant la position debout pénible peut demander une carte portant la mention « Priorité pour personne handicapée ».
Cette carte, délivrée par la CDAPH, permet d’obtenir une priorité d’accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d’attente, de même que dans les établissements et les manifestations accueillant du public. Elle permet également d’obtenir une priorité dans les files d’attente.
A l’instar de la carte d’invalidité, le contentieux relatif à l’attribution de la demande de carte de priorité relève de l’appréciation des juridictions de l’incapacité.


3. LA CARTE DE STATIONNEMENT POUR PERSONNES HANDICAPÉES

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 241-3-2]
La carte de stationnement pour personne handicapée peut être attribuée aux personnes atteintes d’un handicap qui réduit de manière importante et durable leur capacité et leur autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu’elles soient accompagnées par une tierce personne dans leurs déplacements. Elle est délivrée par le préfet, sur avis conforme du médecin instructeur, à titre définitif ou pour une durée déterminée ne pouvant être inférieure à un an.
Le contentieux résultant du refus d’attribution de la carte de stationnement est de la compétence des juridictions administratives de droit commun (24).
La reconnaissance d’un taux d’incapacité supérieur à 80 %, au titre duquel une carte de priorité a été accordée, ne justifie pas automatiquement l’attribution d’une carte européenne de stationnement (aujourd’hui, carte de stationnement pour personnes handicapées), dès lors que le handicap dont souffre le demandeur ne réduit pas son périmètre de marche de façon assez importante pour justifier l’attribution de cette carte (25).


(1)
CAA Bordeaux, 11 avril 2003, n° 03BX00322, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(2)
Cass. civ. 2e, 10 juin 2003, Bull. civ. II, n° 181.


(3)
Cass. soc., 26 mai 1981, Bull. civ. V, n° 475.


(4)
Cass. civ. 2e, 19 janvier 2006, n° 04-30426, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(5)
CAA Bordeaux, 11 mai 1998, n° 95BX01064 et CAA Marseille, 10 décembre 2007, n° 06MA01314, consultables sur www.legifrance.gouv.fr


(6)
CAA Bordeaux, 19 février 2002, n° 98BX01371, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(7)
Cass. soc., 26 septembre 1984, Bull.soc. V, n° 338.


(8)
CAA Bordeaux, 21 octobre 2008, n° 07BX02292, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(9)
Conseil d’Etat, 17 octobre 2008, n° 314209, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(10)
CAA Lyon, 29 avril 2003, n° 98LY01871, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(11)
Conseil d’Etat, 12 décembre 2003, req. n° 235234, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(12)
Cass. civ. 2e, 17 janvier 2008, n° 06-20761, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(13)
Cass. civ. 2e, 22 février 2007, n° 05-22108, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(14)
Cass. civ. 2e, 25 octobre 2006, Bull. civ. II, n° 286.


(15)
Cass. soc., 12 octobre 1989, Bull. civ. V, n° 593.


(16)
Cass. civ. 2e, 14 mars 2002, Bull. civ. II, n° 47.


(17)
Cass. soc., 25 novembre 1987, Bull. civ. V, n° 677.


(18)
Paris, 29 mars 2007, n° 99/43593, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(19)
Cass. soc., 15 juin 1988, Bull. civ. V, n° 365.


(20)
Cass. soc., 8 mars 1989, n° 86-17.260 et Cass. soc., 15 juin 1988, n° 86-13178, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr


(21)
Cass. soc., 13 février 2003, n° 00-21161, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(22)
CAA Versailles, 10 juillet 2008, n° 07VE01224 et CAA Marseille, 8 décembre 2008, n° 08MA01284, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr


(23)
Cass. soc., 15 décembre 1994, n° 92-14.178, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(24)
CAA Marseille, 8 décembre 2008, n° 08MA01284, préc.


(25)
CAA Lyon, 3 juin 2003, n° 99LY01861, disponible sur www.legifrance.gouv.fr

SECTION 7 - L’AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES

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