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LA DISTINCTION ENTRE LES ACTES USUELS ET NON USUELS

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Le droit français considère l’enfant comme une personne qui n’a pas la pleine capacité juridique (C. civ., art. 388 et 1146). Il est par conséquent représenté par ses responsables légaux, dans la majorité des cas, ses père et mère exerçant en commun l’autorité parentale (C. civ., art. 372). Lorsque l’enfant est confié au titre de la protection de l’enfance, les parents conservent l’autorité parentale, en revanche la garde effective de l’enfant est transférée au service de l’aide sociale à l’enfance ou directement à un lieu d’accueil. Il est alors important de distinguer les actes usuels, des actes non usuels qui impliquent l’accord exprès des titulaires de l’autorité parentale.


A. Des difficultés de définition

La distinction entre les actes usuels et non usuels relève du droit de la famille et permet de différencier, dans l’exercice commun de l’autorité parentale, les actes qui peuvent être réalisés par un des deux parents, de ceux qui nécessitent l’accord des deux parents. Ainsi, l’article 372-2 du Code civil considère qu’« à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ». En posant un tel principe, le législateur sous-entend que les actes non usuels requièrent l’accord des deux parents.
La distinction entre les actes usuels et non usuels consacrée par la loi est délicate car le législateur ne définit pas les critères permettant d’identifier clairement les uns et les autres. Il est donc nécessaire de se référer à la jurisprudence.
Pour donner un seul exemple, la cour d’appel d’Aix-en-Provence considère que « les actes usuels peuvent être définis comme des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou encore, même s’ils revêtent un caractère important, des actes s’inscrivant dans une pratique antérieure non contestée » (1). Sont donc des actes usuels l’ensemble des décisions prises par les parents au quotidien dès lors qu’elles n’engagent pas l’avenir de l’enfant.
En 2009, le rapport du député Jean Leonetti remis au Premier ministre (2) s’intéresse à un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers alors en discussion. Cet avant-projet de loi, qui ne sera finalement pas adopté, proposait de conférer aux actes usuels et importants une définition légale afin que la distinction entre les deux types d’actes ne repose plus seulement sur une construction jurisprudentielle. Cette réforme aurait notamment conduit à insérer à l’article 372-2 du Code civil un second et nouvel alinéa ainsi rédigé : « L’accord des parents est requis pour effectuer les actes importants de l’autorité parentale. Sont réputés tels les actes qui engagent l’avenir de l’enfant ou qui touchent à ses droits fondamentaux. » Une telle définition est intéressante car elle propose une définition des actes non usuels qui n’existe pas aujourd’hui. Une telle formulation n’éviterait pas en revanche le besoin de se référer à la jurisprudence pour savoir selon quels critères l’acte en question peut être qualifié d’acte « important » engageant l’avenir de l’enfant ou touchant à ses droits fondamentaux.
Dans le champ de la protection de l’enfance, cette distinction est également mobilisée. Comme le rappelle l’article 373-4 du Code civil, « lorsque l’enfant a été confié à un tiers, l’autorité parentale continue d’être exercée par les père et mère ; toutefois, la personne à qui l’enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance ou à son éducation ». C’est sur ce fondement que le service de l’aide sociale à l’enfance est autorisé à effectuer des actes usuels auprès de l’enfant qui lui est confié.
L’équilibre à trouver est alors particulièrement délicat puisque d’une part, en matière administrative, les parents conservent l’exercice plein et entier de l’autorité parentale et que d’autre part, en matière judiciaire, ils conservent tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec la mesure. Il s’agit donc pour le service d’assurer l’éducation et la surveillance de l’enfant tout en veillant à ce que les parents puissent être associés à l’ensemble des décisions prises pour celui-ci.


B. Les apports et limites de la loi du 14 mars 2016 sur les actes usuels

La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant était fortement attendue sur le sujet en raison du vide juridique qui existait jusqu’alors sur la répartition des rôles entre les parents, titulaires de l’autorité parentale, le service de l’aide sociale à l’enfance responsable de la mesure mise en place et l’établissement assurant la garde effective de l’enfant.
La loi du 14 mars 2016 ajoute à la distinction entre les actes usuels et non usuels, une distinction supplémentaire entre les actes usuels réalisés par l’établissement et ceux nécessitant un accord du service départemental de l’aide sociale à l’enfance. Selon le nouvel article L. 223-1-2 du Code de l’action sociale et des familles, « lorsque l’enfant pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance est confié à une personne physique ou morale, une liste des actes usuels de l’autorité parentale que cette personne ne peut pas accomplir au nom de ce service sans lui en référer préalablement est annexée au projet pour l’enfant ». Le texte introduit ainsi une distinction entre les actes du quotidien qui semblent pouvoir être réalisés par la personne à qui l’enfant est confié, et certains actes considérés comme usuels pour lesquels l’accord du service de l’aide sociale (qui a la responsabilité de la mesure) est requis. Cette répartition des rôles entre les différents acteurs de la prise en charge doit désormais être définie dans un document annexé au PPE.
Le décret d’application du 28 septembre 2016 reste néanmoins particulièrement évasif sur la nature de ces actes rappelant seulement que le projet pour l’enfant comporte une annexe relative aux actes usuels, et que cette annexe « précise également les modalités selon lesquelles les titulaires de l’autorité parentale sont informés de l’exercice de ces actes usuels » (CASF, art. D. 223-17). Une telle formulation interpelle car elle ne dit rien sur les compétences respectives des parents au titre de l’autorité parentale, du service départemental de l’aide sociale à l’enfance en tant que responsable de la mesure et du lieu d’accueil qui assume la charge effective de l’enfant au quotidien. Ce vide juridique apparaît en pratique comme une réelle difficulté, le droit ne permettant pas aujourd’hui de garantir le respect de l’autorité parentale et une articulation claire des acteurs qui interviennent auprès de l’enfant. Cette situation peut par ailleurs devenir un obstacle à l’épanouissement de l’enfant, notamment lorsqu’elle conduit à repousser des prises de décisions qui sans être des actes importants ont un réel impact sur son quotidien (sorties de l’enfant à l’extérieur du lieu d’accueil avec ses amis, sorties scolaires, etc.). Enfin, le décret ne dit rien sur la nature de ces actes et laisse à chaque département le soin de produire l’annexe au projet pour l’enfant, ce qui pourrait conduire dans les années qui viennent à une très grande hétérogénéité des pratiques selon les départements.


C. Les actes usuels accomplis par le service de l’aide sociale à l’enfance

Les vides juridiques laissés par le droit en vigueur nécessitent sur le sujet de se référer à la jurisprudence. Ce sont en effet les juges qui apprécient a posteriori ce qui relève des actes usuels et non usuels, avec des distinctions qui sont faites de nuances. Ainsi, la cour d’appel de Lyon considère, par exemple, que le fait pour l’enfant d’avoir rencontré un psychologue quatre fois par an pendant deux ans « ne constitue pas une psychothérapie, qui est un traitement de longue durée avec une grande régularité ; qu’il s’agit de consultations permettant en quelques séances d’exprimer ses angoisses, d’être entendu et d’être réassuré sur ses capacités personnelles à surmonter une difficulté ; qu’il doit être considéré qu’il s’agit là d’un acte usuel de prévention de la santé mentale, qu’un parent peut engager, sans être soumis à l’accord de l’autre parent, cet acte restant ponctuel et d’une portée limitée » (3).
En matière médicale, le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler la règle applicable au sein d’une jurisprudence récente dans laquelle il considère « qu’un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l’égard d’un mineur qu’après que le médecin s’est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement ; qu’il n’en va autrement qu’en cas d’urgence, lorsque l’état de santé du patient exige l’administration de soins immédiats » (4).
En matière de scolarité, la position est en principe la suivante : la réinscription de l’enfant auprès de l’établissement scolaire au sein duquel il était déjà scolarisé est un acte usuel. En revanche, cette inscription peut être considérée comme un acte non usuel lorsqu’il s’agit d’une primo-inscription, d’un changement d’orientation scolaire ou encore du passage d’une école publique à une école privée ou religieuse.
La personne à qui l’enfant est confié doit donc systématiquement se poser la question de la qualification de l’acte qu’il entend accomplir auprès de l’enfant et de la possibilité, en amont, d’y associer les titulaires de l’autorité parentale. Si l’implication des parents apparaît trop chronophage ou ne permet pas de répondre aux besoins immédiats de l’enfant, il peut réaliser seul un acte usuel.
Pour limiter les risques juridiques, certains départements se sont engagés dans la rédaction de guides à destination des professionnels cherchant à lister les actes pouvant être considérés comme usuels, et ceux considérés comme non usuels. Le ministère de la Solidarité et de la Santé a également produit un guide sur le sujet intitulé « l’exercice des actes relevant de l’autorité parentale pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance » considérant dès l’introduction que les actes usuels touchent « à la vie de l’enfant confié » et qu’il est important de rappeler le droit de ses enfants de « vivre comme tous les enfants de son âge » (5). Ainsi, le guide revient sur la définition de l’autorité parentale et sur les différents types d’actes usuels de la vie de l’enfant dans le champ de la santé, de l’éducation, du droit à l’image, des loisirs et des transports, etc.


(1)
Aix-en-Provence, 28 octobre 2011, n° 2011/325, JDJ n° 314, avril 2012, p. 55.


(2)
Leonetti J., « Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits des tiers », rapport au Premier ministre, La Documentation française, 2009, p. 53 et s.


(3)
Lyon, 28 février 2011, 10/03604, 2007/00476, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(4)
Conseil d’État, 4e SSJS, 7 mai 2014, 359076, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(5)
Ministère de la Solidarité et de la Santé, DGCS, « L’exercice des actes relevant de l’autorité parentale pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance », janvier 2018, https://solidarites-sante.gouv.fr/ministre/documentation-et-publications-officielles/guides/article/guide-l-exercice-des-actes-relevant-de-l-autorite-parentale

SECTION 2 - UN PARCOURS FONCTION DES BESOINS DE L’ENFANT

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