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Introduction

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Si, ces dernières années, les violences conjugales ont été intégrées dans plusieurs législations et plans nationaux, la question des enfants exposés à ces violences « est demeurée marginale aux yeux des pouvoirs publics », estimait ainsi, en 2012, un rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) rédigé par la sociologue Nadège Séverac pour attirer l’attention sur cette problématique (1). Et ce, alors même que la France a signé la convention du Conseil de l’Europe du 7 avril 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (cf. encadré, p. 7), entrée en vigueur en France le 1er novembre 2014, qui énonce, dans son préambule, que « les enfants sont des victimes de la violence domestique, y compris en tant que témoins de violences au sein de la famille ».
Selon l’ONED, le phénomène est bien réel et concernerait 4 millions d’enfants : « Une grande majorité des mères violentées rapporte que leur conjoint implique sciemment l’enfant dans les conflits et justifie les violences envers la mère par le comportement de l’enfant. » Cette violence au sein du couple n’est pas sans conséquences pour l’enfant, du bébé in utero à l’adolescent. L’enfant exposé à des violences conjugales se développe en effet dans un « contexte néfaste, propice à l’émergence de difficultés, de troubles et de retards. Il est également particulièrement exposé au risque de maltraitance ». Karen Sadlier, docteur en psychologie clinique, souligne ainsi que les enfants en souffrance du fait de ces violences conjugales ont « 10 à 17 fois plus de troubles affectifs et comportementaux que les enfants non exposés à ces violences (repli sur soi, retrait des interactions sociales, refus d’aller à l’école, angoisse de séparation vis-à-vis de la mère), 60 % présentent un syndrome de stress post-traumatique » et peuvent faire preuve d’« actes d’agression envers les pairs, les enseignants et les mères » (cf. encadré) (2).
Selon les dernières statistiques du ministère de l’Intérieur, 35 enfants mineurs sont décédés en 2014 des suites des violences au sein du couple, 7 ont été tués en même temps que l’autre parent et 28 l’ont été sans que le conjoint ne le soit. Par ailleurs, 11 enfants ont été témoins de scènes de crimes qu’ils aient été présents au moment des faits ou qu’ils aient découvert les corps en regagnant leur domicile. Enfin, 17 enfants sont devenus orphelins de leurs deux parents, 73 le sont devenus après le décès de leur mère et 20 après celui de leur père (3), soit un total de 110 enfants.
S’ils sont en danger ou en risque de l’être, ce sont les dispositifs de protection de l’enfance – protection administrative par les services de l’aide sociale à l’enfance ou procédure d’assistance éducative décidée par le juge des enfants – qui peuvent se mettre en place. Dans les autres cas, le juge aux affaires familiales, dans le cadre de la procédure de séparation ou de divorce, dispose d’outils permettant de prendre en compte la souffrance de l’enfant. Il peut notamment modifier et organiser l’exercice de l’autorité parentale pour tenir compte de la situation de violences conjugales.
Les effets des violences conjugales sur les enfants
« L’exposition à la violence conjugale fait référence au fait pour un enfant d’être exposé directement ou indirectement à des scènes de violence répétées (Sudermann & Jaffe, 1999) » (4). Elle peut prendre diverses formes. Ainsi, « l’enfant peut être exposé à la violence dès la période prénatale. En effet, la violence débute bien souvent lors de la grossesse ». Le fœtus peut être affecté par l’état psychologique de la mère ou directement par la violence physique (mère bousculée, coup dans le ventre). Puis, « dès son plus jeune âge, l’enfant peut être témoin oculaire de la violence exercée envers sa mère, lorsque les scènes de violences se déroulent directement devant lui ». Il peut alors vouloir s’interposer. Il peut également être un témoin auditif.
Dans le cadre de violences conjugales, les enfants ont peur que leur mère ne soit blessée ou tuée. Par ailleurs, selon le document de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), ils « peuvent se sentir responsables de certaines scènes de violence entre leurs parents parce qu’ils sont parfois utilisés par l’agresseur comme prétexte déclencheur. Ce climat de danger et de terreur affecte l’enfant dans sa construction et son développement ». « Ainsi la violence conjugale a des conséquences graves :
  • sur le développement et la construction de l’enfant (stress post-traumatique entraînant des troubles du sommeil, des troubles de l’attention et de la concentration, des comportements régressifs – sucer son pouce... –, la reproduction dans les jeux enfantins de comportements violents, des troubles de l’alimentation, des difficultés scolaires...) ;
  • sur sa perception de la loi et sur son rapport au masculin/féminin. Ces enfants sont plus à risque pour reproduire la violence dans les rapports filles/garçons en tant qu’enfant, dans leurs rapports avec leur mère, et dans leurs relations en tant qu’adulte à l’intérieur de leur propre couple ;
  • sur sa relation avec l’autre. Ainsi, certains de ces enfants reproduisent les violences vécues à la maison soit du fait du psycho-traumatisme soit du fait de l’apprentissage par imitation qui conduit à adopter une attitude de résolution des conflits par la violence et à avoir une faible tolérance à la frustration. Certains enfants peuvent perpétuer le rôle d’agresseur et d’autres celui de la victime. »
En outre, Karen Sadlier, docteur en psychologie clinique, souligne que « l’enfant au cœur d’une situation de violence sera habité par la peur de la mort du parent victime de violence » ainsi que « par un souci de protection du parent victime et non par un conflit de loyauté, révélant, non pas un problème d’ordre affectif mais de sécurité (importance des visites médiatisées en présence d’un tiers) » (5).
Face à des enfants et à des adolescents ainsi exposés, la démarche du professionnel doit consister à :
  • rompre le silence au sujet de la violence et leur faire savoir que la loi interdit les comportements violents ;
  • leur faire comprendre qu’ils n’y sont pour rien, qu’ils peuvent être aidés, qu’ils peuvent gérer leurs émotions autrement et qu’ils y a d’autres solutions que la violence ;
  • leur apprendre à planifier leur sécurité, à se mettre à l’abri dans la maison et à appeler les secours ou la police en cas de reprise de la violence ;
  • faire face à leurs souvenirs traumatiques, dans un cadre favorable ;
  • les familiariser avec le principe d’égalité dans les relations.


(1)
Séverac N., « Les enfants exposés à la violence conjugale », Recherches et pratiques, décembre 2012, disponible sur www.oned.gouv.fr


(2)
Sadlier K., « La parentalité à l’épreuve des violences intrafamiliales », intervention lors de la journée d’étude de la Fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux (Fenamef), 9 avril 2015.


(3)
Ministère de l’Intérieur, délégation aux victimes, « Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple, année 2014 », disponible sur www.interieur.gouv.fr


(4)
Savard N., « Effets de la violence conjugale sur l’enfant », Réalités familiales, n° 90, 2010, p. 22.


(5)
Sadlier K., « La parentalité à l’épreuve des violences intrafamiliales », intervention lors de la journée d’étude de la Fenamef, 9 avril 2015.


(6)
Syndrome de stress post-traumatique

Chapitre 4 - Violences conjugales et protection des enfants

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