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Vieux, mauvais et pauvres

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Classé monument historique, le château de Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, est devenu en 2022 la Cité internationale de la langue française. Haut lieu de la royauté pendant la Renaissance, c’est là qu’une ordonnance imposant le français comme langue d’Etat a été signée en 1539. Mais c’est l’autre versant, plus sombre, que raconte Mathilde Rossigneux-Méheust : celui d’un dépôt de mendicité, puis d’une maison de retraite hébergeant 1 800 personnes âgées démunies jusqu’au milieu du XXe siècle. L’historienne s’est penchée sur les archives de cette institution, au moment de sa fermeture en août 2014. Son livre relate la « vieillesse des pauvres » entre 1956 et 1980. « Dans le fonds de Villers-Cotterêts, écrit-elle, apparaît la dernière génération d’hommes et de femmes des classes populaires âgées à faire l’expérience de la vie d’hospice, avant le mouvement dit d’humanisation qui a progressivement mis fin aux grands dortoirs et à des conditions jugées dépassées de prise en charge. » Dans les milliers de documents qu’elle compulse, 307 fiches classées par ordre alphabétique attirent son attention. Elles consignent des fragments de vie d’autant de résidents : leur état civil, leur date de sortie et le motif, leur comportement et le nombre de rapports dont ils ont fait l’objet. Adolphe T. est ainsi qualifié de « buveur invétéré » ; Lucienne L., de « Trublion de la pire espère ». D’autres sont jugés « impulsif et violent », « malade mentale », « à ne jamais reprendre » dans l’établissement… Un établissement entre assistance sociale et coercition, où cohabitent des « éléments indésirables » et des « mauvais pauvres ». Mais à partir de quand le sont-ils devenus ? L’autrice livre une passionnante « ethnographie des relations de pouvoir » et des logiques d’exclusion à l’œuvre. Elle pointe les limites de la « sécurité sociale promise par l’Etat-providence alors à son apogée et les maux que la société française ne sait pas soigner : la chronicité de la maladie mentale, l’alcoolisme, la désaffiliation mais aussi tout simplement la vieillesse ».

Notes

« Vieillesses irrégulières » – Mathide Rossigneux-Méheust – Ed. La Découverte, 20 €.

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