C'est l'un des quatre rapports qui avaient été commandés par Dominique Bertinotti dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi sur la famille, abandonné juste avant les élections municipales. Après la diffusion, mardi 8 avril, des propositions issues du groupe piloté par Irène Théry ("Filiation, origines, parentalité"), il est apparu "opportun" à Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, de rendre public le rapport du groupe de travail sur le thème des "nouveaux droits pour les enfants", dont il a assuré la présidence, et qui avait été remis le 29 janvier dernier à l'ancienne ministre déléguée à la famille.
Une publication d'autant plus justifiée, explique-t-il, que la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant, déposée le 1er avril au Parlement, lui semble "très loin du compte".
Conformément à l'ambition qu'avait fixée Dominique Bertinotti pour son projet de loi, le groupe de travail a consacré ses travaux "au renforcement des droits de l'enfant, afin que ce dernier devienne davantage sujet de droit". Après une série d'auditions et l'exploitation de travaux français et étrangers, le document - dont Dominique Youf, directeur chargé de la recherche à l'Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), est le rapporteur - formule pas moins de 120 préconisations. L'esprit de ces dernières est annoncé d'emblée : "Il ne s'agit plus de traiter l'enfant à partir de l'intérêt des adultes, mais de considérer l'enfant comme une personne égale ayant des intérêts propres" et à protéger, en se référant à la fois aux principes édictés par la déclaration des droits de l'Homme et par la Conventon internationale des droits de l'enfant.
Un ministère de l'enfance
Le rapport aborde en premier lieu le sujet des "conditions institutionnelles" pour promouvoir les droits de l'enfant (entendu comme la personne âgée de moins de 18 ans) et plaide notamment, comme l'a déjà fait le secteur associatif, en faveur de la création d'un ministère de l'enfance et d'une délégation interministérielle ad hoc. Le chantier d'une codification sur le droit de l'enfance, qui rassemblerait tous les textes évoquant le statut, les droits et les devoirs des mineurs doit, selon lui, être engagé sous l'égide d'un groupe de travail ou d'une mission parlementaire.
Passé ce préalable, le document revient sur le droit de l'enfant à voir son intérêt pris en considération dans toutes les décisions qui le concernent. S'il considère que "la filiation biologique ne doit pas être un absolu", il appelle à affirmer dans la loi que l'enfant a le droit de voir établies ses deux filiations, de père et de mère. Sur le sujet sensible de l'accès aux origines, il recommande de substituer à l'"accouchement sous X" un dispositif d'"accouchement secret" qui permettrait de révéler à tout majeur qui en fait la demande l'identité de sa mère. Il souhaite clarifier la notion d'autorité parentale en la remplaçant par le terme de "responsabilité parentale". Sur le statut du "tiers", il propose une formule simple pour réformer le code civil : "la personne qui a légitimement à charge l'enfant est en droit et en devoir d'exercer à son égard les responsabilités liées aux actes usuels".
Privilégier les liens parents-enfants
Le rapport formule aussi un certain nombre de préconisations en matière de protection de l'enfance, notamment pour privilégier les liens familiaux en cas de placement (auquel serait substitué le terme d'"accueil" ou de "confiement") - mais également en cas d'incarcération des parents - et renforcer l'application concrète de la disposition de la loi du 5 mars 2007 sur le "projet pour l'enfant". Il invite également à la rédaction d'une circulaire du ministère de la Justice, élaborée en concertation avec l'Assemblée des départements de France (ADF), qui délimiterait l'intervention des parquets en matière d'assistance éducative, préciserait les recours en cas de non-respect des termes des droits de visite reconnus aux parents des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) et fixerait les limites des visites dites "médiatisées".
Enfin, le rapport encourage l'accès à la citoyenneté des enfants, dans une recherche d'équilibre entre leurs droits et leurs devoirs. Il propose le principe d'une présomption "irréfragable de discernement à l'âge de 13 ans" (l'âge de responsabilité civile correspondrait ainsi à celui tendant à être reconnu comme celui de la responsabilité pénale) et d'une acquisition progressive des droits. L'enfant capable de discernement doit pouvoir, selon le rapport, être entendu dans toutes les procédures judiciaires qui le concernent, et avoir la capacité de saisir le juge aux affaires familiales.
Estimant que la "pré-majorité pénale existe déjà", l'adolescent de 16 ans pourrait exercer sa citoyenneté comme un adulte, notamment en accédant au droit de vote aux élections locales. Une disposition qui ne pourrait être adoptée qu'après "un vrai débat de sensibilisation en lien avec l'engagement associatif et politique des personnes de moins de 18 ans". L'accès aux droits, avec l'extension des compétences de l'administrateur ad hoc (qui deviendrait un "représentant spécial"), la protection de l'intégrité physique des enfants, des droits des mineurs isolés ou demandeurs d'asile, ainsi que l'accès à la santé et au "soutien social" font encore partie des recommandations de ce copieux document, dont les auteurs ont conscience de porter "un projet ambitieux", sur certains points polémique, et complémentaire des réflexions des autres rapports remis à l'ancienne ministre.
De nouveaux droits
pour
les enfants ? Oui… Dans l'intérêt même
des adultes
et de la démocratie, à télécharger sur le site de Jean-Pierre Rosenczveig.