"Plus de 47 000 personnes qui frappent vainement à la porte des établissements et services gérés par les associations membres de l'Unapei. Plus de 6 500 personnes en désespoir qui n'ont pour seule issue que l'exil en Belgique. Plus de 4 000 emplois créés en Belgique grâce à l'impôt des contribuables français". C'est la situation dénoncée par l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), dans un "livre noir du handicap en France" intitulé Les Bannis de la République, rendu public mardi 20 octobre, au cours d'un rassemblement de personnes handicapées et de leurs proches devant l'Assemblée nationale, à l'occasion du début de l'examen parlementaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016.
Une pétition en ligne
Ceints d'écharpes noires en bandoulière barrées du slogan "Banni de la République", les manifestants brandissaient également des pancartes reproduisant les visuels de la campagne organisée par l'Unapei - qui a aussi lancé une pétition en ligne : "Stop à l'exil et à l'exclusion des personnes handicapées" -, en souhaitant remettre aux députés ce "livre noir" réunissant constats, revendications et témoignages sur une quinzaine de pages. Quelques parlementaires sont de fait venus à leur rencontre devant le Palais Bourbon, à l'instar de Barbara Pompili (Ecologiste, Somme), Catherine Lemorton (SRC, Haute-Garonne), Laurent Degallaix (UDI, Nord) et Jean-Pierre Decool (Les Républicains, Nord), selon l'AFP.
"Nos représentants connaissent parfaitement ce sujet", rappelle Christel Prado, présidente de l'Unapei, en préambule des Bannis de la République. "Derrière ces chiffres, il y a des vies brisées", poursuit-elle, et "à l'heure où les députés et les sénateurs s'apprêtent à voter la loi de financement de la sécurité sociale", elle demande donc "qu'il soit mis un terme définitif à l'exil des personnes handicapées hors de la France".
Des pressions sur les familles
Au moins 4 000 des plus de 6 500 personnes (dont 1 500 enfants et au moins 5 000 adultes) exilées en Belgique, faute de solution côté français, ne sont pas des frontaliers, et leurs familles "habitent dans une cinquantaine de départements en France, parfois à des centaines de kilomètres de l'établissement où se trouvent leurs proches", détaille l'Unapei. Or "ce départ vers la Belgique n'est pas un choix mais un exil forcé, imposé par un manque de réponses adaptées sur le territoire national", en suscitant "parfois des dérives", accuse l'organisation, en évoquant des "familles soumises à de fortes pressions par les autorités pour partir en Belgique, [des] démarchages directs d'établissements, [des] signalements à l'aide sociale à l'enfance en cas de refus".
Face à ce "gâchis humain et économique", puisque le coût de cette politique est d'au moins 250 millions d'euros par an financés par l'assurance maladie et les départements français, l'Unapei demande, en premier lieu, d'interdire aux autorités compétentes, c'est-à-dire aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et aux agences régionales de santé (ARS), "d'orienter et de financer des établissements ou services hors de nos frontières sauf pour les personnes situées à proximité qui pourraient disposer d'un accueil proche de leur domicile".
Rediriger les financements vers la France
Les autres revendications de l'Unapei ont pour objet de "contraindre ces mêmes autorités [MDPH, ARS] à proposer aux personnes actuellement accueillies dans un établissement hors de France, une place dans un établissement proche du domicile de leur famille et correspondant à leurs besoins" et, parallèlement, de "rediriger les financements de l'assurance maladie actuellement consacrés à l'accueil de ces citoyens handicapés pour financer des établissements en France via un fonds géré par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)".
Car, pour finir, l'Unapei dresse un bilan alarmant du manque de places disponibles en France en soulignant que "le plan de création de places initié en 2008 n'est toujours pas achevé" et devrait l'être d'ici à fin 2018, "mais avec un total de places d'accompagnement bien loin des besoins identifiés" : 8 310 places resteraient en effet à créer au 31 décembre 2015 pour 47 427 personnes sans solution recensées dans le seul réseau Unapei et 6 500 personnes accueillies en Belgique.
Dans une déclaration également rendue publique mardi 20 octobre, le Comité d'entente des associations représentatives de personnes handicapées et de parents d'enfants handicapés appelle aussi à "en finir avec l'exil contraint des personnes en situation de handicap" et à trouver "une réponse adaptée et de proximité pour tous maintenant". Et si le gouvernement, "conscient du problème", tente d'y remédier avec une enveloppe de 15 millions d'euros en 2016 pour apporter des solutions "adaptées" afin de prévenir les départs, "cela va évidemment dans le bon sens", concède le Comité d'entente. "Mais ce montant est nettement insuffisant au regard des crédits consacrés par la France au financement d'établissements spécialisés en Belgique".