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Ghada Hatem : « On n’a pas d’autres choix que de mendier comme d’habitude » (Maison des femmes de Saint-Denis)

Ghada Hatem

Ghada Hatem

Crédit photo DR
Face à l’augmentation des violences conjugales pendant le confinement, la Maison des femmes de Saint-Denis (93) lance un appel aux dons pour venir en aide aux victimes. Sa fondatrice, Ghada Hatem, espère récolter 90 000 euros de dons. De quoi payer les salaires d'une assistante sociale et d'une psychologue pendant un an. 

Actualités sociales hebdomadaires : Pourquoi la Maison des femmes a-t-elle besoin de fonds supplémentaires ?

Ghada Hatem : On lance un appel aux dons car on a besoin de renforcer l’équipe. Celle-ci est saturée par le nombre de femmes (entre 50 et 80) accueillies chaque jour à la Maison des femmes. Ce sera donc très difficile d’en recevoir de nouvelles. Or les violences conjugales ont augmenté pendant le confinement et, tout au long, on a eu régulièrement des demandes de femmes que l’on ne connaissait pas avant et qui nous ont contactés par mail ou téléphone, en urgence parfois. On savait que le fait de rester chez soi allait provoquer des situations inquiétantes, voire intenables, et cela a été le cas. On a eu beaucoup de demandes de mise à l’abri en urgence, d’hébergement… On est toujours en alerte car on voit bien que notre activité n’est pas encore revenue à son niveau d’avant le confinement. Il y a encore beaucoup de femmes qui ne sortent pas de chez elles par crainte de leur mari. Quand il n’y a pas d’enfants à accompagner à l’école, comment expliquer que l’on a disparu de la maison pendant deux heures. Les jeunes filles mineures, par exemple, n’ont pas la possibilité de justifier une sortie du domicile si elles n’ont pas cours. Donc on ne les voit pas actuellement à la Maison des femmes. Mais on sait que le pire est devant nous.

De quelle somme avez-vous besoin ?

G. H. : L’objectif de la cagnotte est de récolter 90 000 €. C’est le montant des salaires pour une année. On n’a pas d’autres choix que de mendier, comme d’habitude. En temps ordinaire, c’est déjà difficile, mais en ce moment, avec la crise sanitaire, nous n’avons aucune chance d’être entendus par les pouvoirs publics. On ira les voir plus tard afin de pérenniser ce financement, il nous faut une perspective à cinq ans. On a la chance de pouvoir lever des fonds grâce à l’association La Maison des Femmes. On fonctionne comme cela depuis le début, donc on va continuer. Lors du Grenelle sur les violences faites aux femmes, l'Etat a promis d’aider à financer les hôpitaux qui voudraient s’adosser à une structure comme la nôtre pour s’occuper des femmes, mais cette promesse n’a pas encore été suivies d’effets. Cela reste très flou.

Pendant le Covid-19, vous avez alerté aussi sur le fait que des interruptions volontaires de grossesse n’ont pas pu être faites à temps…

G. H. : La fréquentation du Planning familial a baissé pendant le confinement. Pour cause, il y avait la peur de la contamination, de la police. Il fallait une attestation et une bonne raison pour circuler, et certaines femmes avaient du mal à assumer le fait de dire qu’elles devaient sortir pour se faire avorter. A la Maison des femmes, on a fait tout ce que l’on pouvait pour pratiquer une IVG au moment où la femme arrivait. Contrairement à l’accoutumée, on ne lui a pas demandé de revenir huit jours plus tard pour faire une échographie, une prise de sang... Nous avons décidé de changer complètement nos pratiques et avons fait les examens et l’IVG dans la journée. On ne voulait pas prendre le risque qu’une femme revienne plus tard et qu’il soit trop tard. Contrairement au gouvernement qui a été averti, on sait ce que c’est, ici, d’être hors délai. Cela implique soit de partir aux Pays-Bas, soit de suivre un protocole très contraignant, à l’issue duquel une commission donne son avis, avec des considérations du style : « Est-ce que cette femme mérite d’avorter ou pas ? » Avec d’autres médecins, on a demandé d’étendre de deux semaines le délai légal des IVG durant le Covid-19, et exclusivement durant cette période d’urgence sanitaire. Un amendement a été déposé au Sénat mais il a été rejeté. L’IVG est considérée comme un faux problème, et c’est encore de la faute des femmes. Comme, d’ailleurs, pour les violences, on les renvoie toujours à leur culpabilité, alors que c’est un problème de société.

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