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Exil : à Calais, fêter pour oublier la frontière

Migrations - A Calais, la nouvelle association Mosaïc souhaite créer sur les campements d’exilés un espace culturel malgré les situations dramatiques du quotidien. Début novembre, leur première édition a fonctionné au-delà de leurs espérances. Reportage.

Il n’est pas loin de midi ce vendredi 5 novembre et l’odeur de grillades embaume le campement de BMX, en périphérie de Calais. C’est le premier jour de beau temps après une semaine pluvieuse et, sur ce lieu de vie, c’est aussi un jour de fête : l’anniversaire d’une petite fille. Plus d’une centaine de personne survivent sur ce terrain vague qui jouxte le stade de la ville. Certaines depuis plusieurs mois. De nombreuses familles avec des enfants en bas âge sont présentes.

Le matin même, Foued et une dizaine d’autres bénévoles de plusieurs associations qui œuvrent à Calais sont arrivés avec leurs camionnettes pour organiser cette journée. Ça n’est pas habituel sur les campements, mais aujourd’hui la musique résonne en dessous de deux grandes tonnelles blanches installées au milieu du terrain. Le soleil court haut dans le ciel et sur un large barbecue fabriqué par plusieurs associatifs pendant la semaine, du poulet finit doucement de griller au feu de bois. « Les cuisiniers de Refugee Community Kitchen ont géré », commence Foued, l’initiateur de ces journées et cofondateur de l’association Mosaïc. « Ils nous ont préparé des kilos de semoule en plus de nos morceaux de poulet. Les mecs vont se régaler, c’est sûr. »

Sur de grands tapis étendus à même le sol, près d’une dizaine d’instruments de musique sont posés. Guitares, djembé, maracas... Ebou, la vingtaine, joue, mélancolique, quelques notes de guitare, suivant la mélodie crachée par de grosses enceintes disposées sous la tente. « En ce moment, c’est vrai que je ne vais pas bien. On ne va pas bien. Mais aujourd’hui, ça va », sourit le vingtenaire assis sur un banc. Amine, l’un de ses amis, s’approche et confirme « ça change de la vie de tous les jours cette ambiance ; ça change de la pluie et ça change de la police ». Sur ce campement, les forces de l’ordre sont encore venues la veille pour en expulser les personnes et, parfois, saisir leurs tentes et leurs affaires.

Plusieurs photographes sont présents et décident de prêter leur matériel aux gamins qui veulent s’essayer à la photo. Yocha, un petit môme de 7 ans surexcité, se saisit d’un appareil et commence à mitrailler tout autour de lui. Les autres gamins d’abord, les quelque bénévoles derrière le barbecue ensuite. Mais surtout les grands, qui dansent plus loin sur des rythmes entraînants.

Le lendemain, c’est sur l’un des lieux de vie de Coquelles que Mosaïc pose ses tentes. A deux pas du Leroy Merlin. Quand le gérant du magasin s’est inquiété de la fumée, il a directement appelé la police. A l’entrée, il échange quelques mots avec les responsables des associations présentes et se plaint que son chiffre d’affaires va baisser s’il y a la fête à côté. Les bénévoles tentent de détendre l’atmosphère et l’invitent même à venir partager le repas : refus catégorique. La police arrive quelques minutes après, constate que l’ambiance est bon enfant et repart finalement sans interrompre ce temps festif. C’est qu’ils sont rares, ces bouts de répit dans ce moment de transit des personnes exilées. Un homme d’un certain âge passe et harangue un bénévole : « Et qu’est-ce que vous faites pour nos SDF ? » « Et vous-même ? », rétorque le bénévole. Ce à quoi l’homme répond : « Bah, rien ! ». Puis repart comme il est arrivé.

Le dimanche, sur le campement de Old Lidl, le plus gros de Calais, la distribution de nourriture est monumentale. A la suite d’une action des associations le jeudi précédent, qui avaient empêché l’expulsion du lieu de vie, l’association La Vie active, mandatée par la préfecture pour la distribution de repas, n’était plus passée. Plusieurs personnes, dont beaucoup de jeunes, n’avaient pas mangé depuis plusieurs jours lorsque Mosaïc a lancé sa distribution au bout du terrain vague. Ici aussi, la musique retentit. Ambou, la trentaine, sourit en balayant du regard la piste de danse improvisée : « C’est bien de voir de la joie et de la fête ! » Près de la viande qui cuit, Foued s’avance et contemple le plat du jour « Refugee Community Kitchen ne bossent pas le dimanche, donc ils nous ont pas fait de semoule. Mais j’ai préparé un poulet-oignon-sauce. C’est pas mal ! »

Cette première édition de Mosaïc a donc été une réussite pour les personnes exilées qui ont accueilli le projet avec enthousiasme. Pour les bénévoles également, qui y perçoivent un espace leur permettant de s’extraire d’un quotidien ardu à la frontière franco-britannique. Foued ne sait pas encore quand aura lieu la prochaine mobilisation. Mais il la prépare déjà avec ses équipes.

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